La Cour des comptes s'inquiète d'un risque de surchauffe des armées

Entre 2012 et 2015, la France a été active sur neuf théâtres principaux et a mené 25 opérations, rappelle la Cour.
Entre 2012 et 2015, la France a été active sur neuf théâtres principaux et a mené 25 opérations, rappelle la Cour. © AHMAD AL-RUBAYE / AFP
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avec AFP
Selon la Cour des comptes, l'opération Sentinelle "a achevé de déséquilibrer un système déjà sollicité au-delà des prévisions".

L'armée française, engagée à un niveau sans précédent depuis des décennies à l'intérieur et l'extérieur des frontières, risque la surchauffe, tant sur le plan humain que matériel, avertit la Cour des comptes dans un rapport publié lundi.

25 opérations entre 2012 et 2015. Cette situation "réduit la capacité à faire face à de nouvelles urgences ou à mettre en oeuvre de nouvelles opérations", s'inquiète la Cour dans ce rapport consacré aux opérations extérieures (Opex). Entre 2012 et 2015, la France a été active sur neuf théâtres principaux et a mené 25 opérations, rappelle la Cour. Actuellement, plus de 8.000 soldats sont engagés au Moyen-Orient contre le groupe État islamique (opération Chammal) et au Sahel (Barkhane). En outre, "la mise en place en 2015 de l'opération Sentinelle", qui mobilise 7.000 hommes sur le territoire national, "a achevé de déséquilibrer un système déjà sollicité au-delà des prévisions", note-t-elle.

"Le niveau de préparation tend à diminuer". "Le haut niveau d'engagement actuel conduit à limiter la préparation opérationnelle des forces", notamment "en mobilisant des équipements et des ressources humaines qui ne sont plus disponibles pour la préparation. Le niveau de préparation tend donc à diminuer, tant sur le plan qualitatif que quantitatif", s'inquiète la Cour des comptes.

Dépendance matérielle. Sur le plan matériel, les équipements projetés sur des théâtres d'opération comme le Sahel souffrent par ailleurs d'une surexposition à la poussière et à la chaleur qui accélère leur usure, note le rapport, en rappelant qu'"une année en OPEX équivaut pour le matériel roulant à 2,5 années de fonctionnement métropolitain". Enfin, "le manque de certains équipements militaires rend la capacité d'engagement en partie dépendante des moyens des nations alliées", en particulier en matière de transport aérien, déplore-t-elle. "L'équilibre entre les ressources et les missions (...) ne sera plus rétabli avant que les forces n'aient retrouvé des marges supplémentaires et que les conséquences en aient été tirées dans la prochaine loi de programmation militaire", conclut-elle.

Un coût sous-estimé. Sur le plan budgétaire, la Cour des comptes déplore à nouveau la "sous-estimation volontaire des crédits consacrés aux opérations extérieures" et recommande au gouvernement de "présenter dans les lois de finances initiale une prévision sincère et réaliste des dépenses" liées aux Opex. Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a annoncé début novembre que les opérations militaires françaises à l'étranger et sur le territoire national allaient coûter 830 millions de plus en 2016 que ce qui avait été budgété. Le coût total de ces opérations extérieures devrait ainsi atteindre environ 1,15 milliard d'euros en 2016, comme en 2015 et 2014.

Plus de 100.000 euros par an pour un soldat déployé. Traditionnellement, le ministère de la Défense prévoit une dotation budgétaire de 450 millions d'euros pour ces Opex, très inférieure à la facture finale. La somme non budgétée est partagée au final entre tous les ministères, une pratique que dénoncent régulièrement un certain nombre de parlementaires tout comme la Cour des Comptes. Le coût unitaire, par militaire projeté, d'une opération extérieure a plus que doublé depuis une décennie, pour atteindre plus de 100.000 euros par soldat déployé par an, selon la Cour.