Joëlle s’épuise à s’occuper de sa mère atteinte d’Alzheimer : "Ce n’est plus ma mère"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Cela fait un an que Joëlle s’occupe seule de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle a choisi d’habiter chez elle, pour que cette dernière ne soit pas placée dans un centre spécialisé. Sur "La Libre antenne" d’Europe 1, Joëlle confie essayer de différencier sa mère de sa maladie, mais dit être à bout de force.
TÉMOIGNAGE

La mère de Joëlle a 87 ans et est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Il y a un an, Joëlle a pris la décision d’habiter chez sa mère pour s’occuper d’elle et que cette dernière ne soit pas placée. En un an, elle a perdu huit kilos et se dit à bout de forces. Au micro de Sabine Marin, sur "La Libre antenne" d’Europe 1, Joëlle admet avoir conscience qu’il faudrait placer sa mère, mais s’en dit incapable pour l’instant.

"Cela fait un an que j'ai arrêté de travailler pour ma mère. Elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle a 87 ans. Je suis venue habiter chez elle. C’était ça ou on la mettait en psychiatrie. Elle buvait beaucoup. Ma sœur est morte d’une pancréatite il y a un an et demi, elle avait 42 ans. Elles picolaient toutes les deux. Elles ont bouffé tout l’argent. C’était ma demi-sœur. Elle a fait en sorte que je ne vois plus ma mère. Je suis venue pour ma mère, mais je ne sais plus comment m'en sortir. 

Elle me traite de tous les noms. Je ne sais pas si elle me reconnaît. Parfois, oui. Je suis épuisée. En un an, j’ai perdu huit kilos. Je ne mange plus. Je m’occupe de tout. La pauvre, elle a perdu ma demi-sœur et je ne me voyais pas la laisser comme ça. Quand je suis arrivée dans la maison, c'était épouvantable, c’était une masure. Les infirmières m’ont expliqué que la maladie gagnerait du terrain quoi que je fasse. Je ne connaissais pas cette maladie. Je suis terrifiée. 

" C'est moi qui suis la maman de ma mère "

Hier matin, elle m’a dit : "Il faut que tu me ramènes chez moi". Je ne sais plus quoi faire. C’est très douloureux. Comme je suis toute seule, il faut que je fasse tout. Je n’en peux plus. C'est moi qui suis la maman de ma mère. C’est épouvantable. Je suis propriétaire d’une maison en Bretagne. Donc, j’ai d’autres choses à gérer et j’essaye de tout faire. Je sens que mes forces s’épuisent. Il y a un an, quand je suis arrivée, j’étais pleine de peps. Maintenant, je suis épuisée. 

Je l’accepte, je sais que ce n’est plus ma mère, mais il y a des moments où je ne l’accepte pas parce que je suis toute seule. C'est peut-être à moi d'aller voir un psychiatre parce que je n’en peux plus. Je ne sais même plus qui je suis et pourquoi je suis ici. Je suis paumée. Mes amis m’ont dit que j’allais y laisser ma peau, mais en même temps, elle est toute seule. Il faudrait la placer, mais j’en suis incapable.

Je suis terrorisée quand je la vois. Cette dame, qui était ma mère, était tellement bien. Voir quelqu'un qui a des yeux de mort, c’est affreux. Je lui dis : "Maman, ce n’est pas toi, c'est ta maladie, tu n’y es pour rien. Tu es quelqu'un de bien." J’essaye de la différencier de sa maladie. Je suis complètement isolée. Je suis venue parce que je ne voulais pas la mettre dans une maison, mais je me rends compte que j’ai peut-être fait une erreur. C’est un deuil blanc. Je fais déjà le deuil de ma demi-sœur, ça ne fait qu’un an et demi. 

Il faut que j’aille à la banque parce que ma demi-sœur a fait de fausses déclarations. On doit payer 8.000 euros. Tout est insupportable. Je n’ai pas un moment de répit. Je sais que je suis à bout de force. La solution, c’est de la placer. Pour l’instant, je ne veux pas. Je suis en dépression, je le sais. Ce dont j’ai peur, c’est que je finisse à l'hôpital. Ce n'est pas possible de la laisser toute seule. Il faut que je tienne pour elle."