Jean-Pierre se confie sur le deuil de son oncle : "Quelque chose de fort nous liait"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Jean Pierre a de la peine à faire le deuil de son oncle qui lui était cher et qui était pour lui une figure de grand frère. Il se confie à Olivier Delacroix sur ce deuil difficile, et raconte au micro de "La Libre antenne", sur Europe 1, comment son oncle l’a aidé dans sa vie. 
TÉMOIGNAGE

Jean-Pierre a perdu son oncle qui lui était cher en octobre dernier. Son oncle l’a aidé à surmonter le traumatisme lié aux attouchements sexuels que son père lui a fait subir. Il était pour lui une figure de grand frère. Ce dernier était malade et souffrait de troubles de la personnalité. Au micro de "La Libre antenne" sur Europe 1, Jean-Pierre évoque ce deuil qui lui cause beaucoup de peine, et raconte à Olivier Delacroix comment son oncle l’a aidé dans sa vie.

"J’ai perdu mon oncle le 10 octobre dernier. Il avait 49 ans. Son auxiliaire de vie et son infirmière l’ont retrouvé dans son lit. Il avait une maladie psychique depuis le décès de sa maman. C’était mon parrain. Il m’a fait aimer le cinéma. Il m’a amené au CAMSP (Centre d’Action Médico-Sociale Précoce) quand j’ai perdu la parole à cause de mon père qui m’a fait des attouchements sexuels à l’âge de trois et huit ans. Mes grands-parents me manquent aussi. Ils m’ont tout apporté. Ils m’ont presque élevé, parce que quand ma mère travaillait, j’allais chez mes grands-parents.

" Le juge m’a demandé si je voulais faire condamner mon père "

Mon père m’a fait ça dans la maison familiale en Bourgogne. Un jugement a été prononcé. Je devais le voir en lieu surveillé, et il a recommencé dans ce lieu surveillé. Il buvait. Il nous frappait ma mère et moi. Ma mère m’a cru, parce qu’elle m’a vu en larmes, avec des cocards aux yeux. Elle m’a emmené chez le médecin de famille qui a écrit une lettre au juge. Le juge m’a demandé si je voulais faire condamner mon père.

À huit ans, je ne savais pas quoi penser. J’ai dit qu’il ne fallait pas le condamner. Il a donc été décidé qu’il fallait l’éloigner de moi. Il a tout fait pour me voir. Il était malade, il avait un cancer de la langue parce qu’il fumait beaucoup. Après nous sommes partis plus loin en Bourgogne avec ma mère et mon beau-père. Mais à l’époque mon beau père buvait et me frappait. J’étais en internat, c’est la chance que j’ai eue. J’avais un éducateur spécialisé en IME (Institut médico-éducatif).

" Je l’appelle tous les soirs en pensant qu’il va décrocher "

J’ai vu mon oncle quand son papa est décédé en 2018. On échangeait par téléphone. Il avait une très grande importance pour moi. Il m’a tout apporté, comme un grand frère. Nous n’avions pas beaucoup de différence d’âge. Il souffrait d’un trouble de la personnalité depuis le décès de sa maman en 2004. Il se prenait pour un chef cuisinier, pour un éducateur, pour un tas de personnes. C’était difficile de communiquer avec lui parce qu’il fallait jongler entre le vrai et le faux.

Il était sous tutelle. Quand son tuteur m’a appelé pour me dire qu’il était décédé, je lui ai fait répéter deux fois. Je suis retourné à Dijon grâce à mes sœurs. Je suis allé à la mise en bière. Je n’en reviens toujours pas qu’il soit parti. Le jour même j’ai appelé tous ses amis, toutes les personnes qui ont compté pour lui. J’ai écrit une lettre qui a été lue par une personne que je connais et qui le connaissait très bien. Je l’appelle tous les soirs en pensant qu’il va décrocher ou qu’il va m’appeler. Maintenant ça me dit que la ligne n’est pas attribuée.

" Il parlait tout le temps de la mort "

Il était très dépressif. Il parlait tout le temps de la mort. Il voulait rejoindre sa maman. Je m’en veux parce que je sentais qu’il était déprimé. Ses amis ne venaient pas le voir. Il avait un psychiatre, une infirmière libérale, une personne qui faisait son ménage, une personne qui l’emmenait en course. Le mieux selon moi, c’était qu’il aille en foyer, parce qu’il n’était pas autonome. Mais c’était trop tôt pour partir.

Il m’a fait aimer le cinéma. Lui aimait beaucoup les James Bond. Il m’a fait aimer les DVD. Je ne sais pas combien il en avait. Il m’a offert des encyclopédies sur le cinéma. Il m’a fait tout aimer. Si j’ai pu survivre à mon père, c’est en grande partie grâce à lui, mes grands-parents et mon père spirituel que j’ai rencontré en IME et qui est parti à cause d’un cancer. J’ai écrit dans mon texte : ‘Quand je regarderai les étoiles, vous veillerez sur moi’.

Pour l’instant je ne connais personne à Marseille, donc je me sens seul. C’est difficile. Mes amis sont plutôt à Dijon. C’est difficile de les contacter. C’est par téléphone ou SMS, mais ce n’est pas comme si c’était réel. Je ne sais pas à qui parler de mon oncle. J’ai deux sœurs, mais l’une est très occupée par son travail et l’autre est devenue maman le 5 décembre dernier. Mon père et mes grands-parents paternels, je ne les regrette pas du tout à cause de ce qui s’est passé. Je ne me sens pas triste. Mais mes grands-parents, mon oncle et mon père spirituel, c’était quelque chose de fort qui nous liait."