Jean-François souffre du syndrome de Diogène : "Je ne pouvais plus entrer chez moi"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Jean-François souffre du syndrome de Diogène, un trouble du comportement qui conduit à accumuler des objets et déchets chez soi. Au micro d’Olivier Delacroix, sur "La Libre antenne" d’Europe 1, Jean-François confie s’en sortir peu à peu et s’apprête à entamer une nouvelle vie dans un appartement neuf.
TÉMOIGNAGE

Le syndrome de Diogène est un trouble du comportement qui conduit ceux qui en souffrent à accumuler des objets et déchets chez eux, créant des conditions de vie insalubres. Jean-François en souffre depuis 2007. Il a développé ce syndrome à la suite de sa séparation et des agressions qu’il a subies dans l’exercice de ses fonctions de sapeur-pompier. Aidé par son ex-femme, sa fille et une assistante sociale, Jean-François est parvenu à vider sa maison et s’apprête à vivre dans un nouvel appartement. Sur "La Libre antenne", Jean-François raconte à Olivier Delacroix son chemin pour surmonter son syndrome de Diogène.

"Je suis victime depuis plusieurs années du syndrome de Diogène. On entasse des choses dans un appartement ou une maison et on ne jette rien. Je suis sapeur-pompier professionnel. Je suis intervenu auprès de personnes vulnérables dont les appartements étaient remplis d’immondices. On avait du mal à atteindre leur lit. Je ne pensais pas qu'un jour, je serais dans le même cas. J'ai développé ce syndrome depuis 2007, à la suite de ma séparation avec la maman de ma fille. Au départ, on devait vendre la maison. Finalement, elle a accepté que je reste dans la maison en devenant son locataire. Je devais l’entretenir, mais j'ai fait le contraire.

" Mon syndrome de Diogène a empiété sur ma vie professionnelle "

Il y a plusieurs degrés dans le syndrome de Diogène. J’ai tendance à collectionner. Je n’entassais pas des déchets, c'étaient des revues, des DVD ou des livres. Ça prenait beaucoup de place. À force d'acheter des DVD, je suis tombé dans une spirale de surconsommation. Je suis surendetté. Ça se termine, mais je fais des achats compulsifs. Tout cela cumulé fait que je suis sous curatelle. Ma curatrice, c’est la maman de ma fille. La juge des familles a accepté qu’elle soit ma curatrice, parce qu’on était séparés.

Mon syndrome de Diogène a aussi empiété sur ma vie professionnelle. Dans la chambre que j’occupais à la caserne, ça se voyait que j'avais le syndrome. J’avais un vestiaire, mais ça débordait. J’ai développé ce syndrome à cause d’une accumulation de chocs émotionnels : ma séparation et les nombreuses agressions que j'ai subies au travail. C'étaient des agressions verbales et physiques, pendant des opérations qui se sont mal déroulées. J'ai subi des préjudices parce que des collègues ne voulaient plus travailler avec moi. Ils n'étaient pas tranquilles quand ils partaient en intervention avec moi. Ces agressions ont aggravé mon syndrome. 

" Il y avait tellement de bazar dans la maison que je ne pouvais plus pousser la porte d'entrée "

À l'heure actuelle, je vois le bout du tunnel. J’ai demandé ma retraite anticipée depuis septembre 2020 pour pouvoir vider la maison que j'occupe. Je suis suivi psychologiquement. Je vois régulièrement un psychologue, mais aussi un psychiatre. Je suis aidé par l’assistante sociale des sapeurs-pompiers et par la maman de ma fille qui m’aide à vider cette maison et qui m'a trouvé un appartement. Je dois bientôt rendre les clés de la maison. Maintenant, je vis normalement. Je peux circuler dans toutes les pièces, mais c'est un combat de tous les jours. 

Il y a six mois, je dormais dans ma voiture parce que je ne pouvais plus entrer chez moi. Il y avait tellement de bazar dans la maison que je ne pouvais plus pousser la porte d'entrée. Je mettais une échelle et je passais par la fenêtre de la salle de bain au premier étage pour entrer dans la maison. Quand ma fille l’a su, elle a alerté sa maman et l’assistante sociale des pompiers. Je me suis pourri la vie pendant des années à cause de ce syndrome. Je ne pouvais plus recevoir ma fille, ni mes collègues.

Je suis ému parce que je ne pensais pas pouvoir m'en sortir. Je suis en bonne voie. Le syndrome de Diogène, ce n'est pas une fatalité. On peut s'en sortir. Mais je n’ai pas agi seul, j’ai été aidé. Je n’ai reçu de l’aide que de femmes : l’assistante sociale des pompiers, mon ex-belle-sœur et mon ex-femme. Ma fille est aussi venue m'aider quand elle a pu. Elle a toujours voulu que je m’en sorte. Je sors enfin la tête de l'eau. Je commence à revivre. Je me sens libéré. Je ne suis plus angoissé.

J'ai perdu ma sœur il y a un an. La dernière fois que je l’ai eue au téléphone, je lui ai dit que j'avais le syndrome de Diogène et je lui ai fait la promesse que j'allais m'en sortir. Presqu’un an après, je tiens enfin cette promesse. Je vais tourner une grande page. Je continue à être suivi par l’assistante sociale. C'est pour mon bien, ce n’est pas du flicage. Il ne faut pas que je reproduise cela dans l’appartement que je vais occuper. C'est un nouveau départ."