"Je me sentais en train de tomber" : la femme voilée prise à partie par un élu RN témoigne pour la première fois

Fatima E. a été violemment prise à partie par un élu RN lors du conseil régional de Bourgogne-France-Comté du 11 octobre, parce qu'elle portait un voile.
Fatima E. a été violemment prise à partie par un élu RN lors du conseil régional de Bourgogne-France-Comté du 11 octobre, parce qu'elle portait un voile. © SAFIN HAMED / AFP
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Fatima E., une mère voilée prise à partie par un élu RN vendredi 11 octobre, s'est exprimée pour la première fois depuis l'incident. 

Vendredi 11 octobre, Fatima E. a été violemment prise à partie par un élu RN lors du conseil régional de Bourgogne-France-Comté, parce qu'elle portait un voile. Cette mère voilée assistait, dans le public, au conseil régional de Bourgogne-France-Comté, lorsque l'élu RN Julien Odul, l'a prise à partie avant de quitter la séance avec son groupe. Il publie par la suite la scène sur Twitter.

Fatima E. s'est exprimée pour la première fois depuis l'incident - elle n'avait donné suite à aucune sollicitation des médias - lors d'un entretien publié sur le site du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF)

"J'étais là sans être là"

Elle a donné sa version des faits de l'altercation qui a fait polémique. Vendredi 11 octobre, elle accompagne un groupe d'enfants originaires de Belfort à Dijon pour visiter un musée puis assister à la séance du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. "Il n'était pas prévu que je participe à cette sortie", a d'abord précisé Fatima E., qui souhaite garder l'anonymat. Son fils et des copains à lui insistent pour qu'elle vienne, tout comme la maîtresse qui lui a laissé "un mot dans le carnet" pour lui "demander d'y participer car aucune autre maman n'était disponible". 

Une fois installé dans le public du conseil régional, le groupe prévoit d'y rester "une dizaine de minutes, pour regarder comment ça se passe", raconte-t-elle. "On était dans un coin, je pensais même que personne ne pouvait nous voir. Et là j’entends quelqu’un dire "Au nom de la laïcité", puis j’entends des personnes qui commencent à crier, s’énerver", détaille-t-elle. Fatima affirme s'être alors seulement préoccupée de la "détresse des enfants" qui étaient "choqués et traumatisés", d'après elle. "J'étais là sans être là", a-t-elle ajouté. Au départ, elle n'entend pas céder : "Si moi je panique, les enfants auraient été encore plus traumatisés. Donc j’ai essayé de les rassurer, en leur disant que les élus n’étaient pas d’accord". Finalement, quand son fils lui "saute dessus en pleurant", elle décide de quitter la salle. "Je tremblais de la tête aux pieds et je me sentais en train de tomber", a-t-elle témoigné. 

"Je suis sûre qu’elle voulait me provoquer physiquement"

Dehors, elle est de nouveau prise à partie, cette fois par Karine Champy, une élue qui appartenait auparavant au FN. L'altercation est également relatée par une élue de l'Union des démocrates et des écologistes (UDE), Jacqueline Ferrari, dans Le Monde. Fatima E. et Jacqueline Ferrari affirment que l'ancienne élue RN a déclaré "vous allez voir, on va gagner. Les Russes vont arriver !", lors de ce vif échange. "Elle gesticulait beaucoup, et était à la limite de me bousculer. En y réfléchissant, je suis sûre qu’elle voulait me provoquer physiquement pour que je réagisse", estime désormais Fatime E.

Aujourd'hui, elle affirme être "fatiguée" et avoir "peur de tout". "Parfois le visage de cette dame me revient, j’ai des frissons et je tremble", a-t-elle également confié. "Aujourd'hui,  j'ai une opinion négative de ce qu'on appelle la République". D'après elle, cet incident est venu "détruire tout un travail que je faisais indirectement auprès de cette classe dont les élèves d’origine immigrée étaient parfois dans une attitude de penser que la France était contre eux et qu’ils sont rejetés. Et moi j’ai toujours argumenté contre ce discours". Désormais, elle pense que les choses ont changé. "Quand on est sortis du conseil régional, ils sont venus vers moi pour me dire : "Tu vois, on te l’avait dit ! Ils ne nous aiment pas !". Et là, je ne pouvais même plus parler. Les enfants sont venus là pour apprendre : qu’ont-ils appris ?"