Jacques Testart : "La PMA, ce n'est pas un progrès"

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T.M. , modifié à
Invité d'"Hondelatte raconte", le biologiste, pionnier de la fécondation in vitro, a expliqué les raisons de son opposition à l'ouverture de la PMA aux couples lesbiens et aux femmes seules.
INTERVIEW

Certains le taxent de réactionnaire, lui s'en défend formellement. À 78 ans, Jacques Testart, pionnier de la fécondation in vitro et "papa" d’Amandine, le premier bébé-éprouvette français en 1982, ne cesse de clamer son opposition à l'ouverture de la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires, promesse du candidat Macron lors de sa campagne. Sur Europe 1, le biologiste, qui ne cache pas sa préférence pour Jean-Luc Mélenchon, explique les raisons de cette opposition.

Une "perte d'autonomie", selon lui. Selon un sondage réalisé par l'Ifop et publié fin septembre pour le site my-pharma.info, 64% des Français se disent favorables à l'élargissement de la PMA aux couples lesbiens et 65% en ce qui concerne les femmes célibataires. Ouvertement opposé à cette mesure en 2013, le Premier ministre Édouard Philippe, invité la semaine dernière de L'Émission politique sur France 2, a lui-même avoué avoir "évolué" sur le sujet. Jacques Testart, non. "La raison fondamentale de mon hostilité, c'est la perte d'autonomie. C'est quelque chose que je trouve très grave", explique le scientifique dans Hondelatte raconte. Avant de détailler : "De plus en plus, les gens ont besoin d'aller sonner chez un spécialiste, que ce soit pour réparer une bricole de la voiture ou pour la santé. Mais il y a énormément de choses que l'on peut faire soi-même. Et je crois que ça, ce n'est pas un progrès".

Entendu sur europe1 :
Les gens dont on parle là ne sont pas stériles

"L'insémination, ce n'est pas un acte médical". Le père du premier bébé-éprouvette prend ainsi l'exemple de certaines lesbiennes américaines, qui s'organisent depuis les années 1960 pour récolter du sperme elles-mêmes. "Elles payent des étudiants, elles ramassent le sperme, elles se le distribuent et s'auto-inséminent avec une seringue, une paille ou un verre. L'insémination, ce n'est pas un acte médical. On peut très bien l'assumer tout seul", souligne-t-il. Et d'adresser le même message aux femmes célibataires. "Moi, j'ai travaillé pour aider des gens stériles à faire un bébé. Mais les gens dont on parle là, eux, ne sont pas stériles", lance-t-il encore.

"La PMA, c'est l'ouverture à la GPA et à la grossesse masculine". Sur Europe 1, Jacques Testart pointe enfin un autre problème : la pénurie de sperme en France. "Il n'y en a déjà pas assez pour les couples hétéros qui ont besoin d'une insémination", note-t-il, convaincu que la rémunération des donneurs n'est pas la solution. "Si on commence à payer des donneurs de sperme, le don d'ovules et le don d'embryon suivront, et pourquoi pas le don d'organes ou le don de sang...", s'inquiète-t-il. "On est arrivé à un point où il faut mettre des limites. La PMA, c'est l'ouverture à la GPA et à la grossesse masculine. On peut déjà greffer un utérus à une femme aujourd'hui. On peut faire exactement  la même chose pour un homme".

Jacques Testart assure néanmoins n'avoir "aucune opposition à ce que deux femmes, lesbiennes ou pas, vivent ensemble et élèvent un enfant. Ce n'est pas ça qui me gêne", martèle-t-il, "un peu gêné", en revanche, par le soutien de certains "catholiques intégristes".

 

La PMA, c'est pour quand ?

Marlène Schiappa a dans un premier temps annoncé que le gouvernement proposerait l'ouverture de la PMA pour toutes les femmes en 2018. Puis face à la polémique naissante, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes est revenue sur ce calendrier en affirmant que cela ne se ferait pas avant les états généraux de la bioéthique, prévus "a priori fin 2018". "Aujourd'hui, je suis incapable de vous dire si c'est (pour) fin 2018 ou 2019", a de son côté déclaré le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner. Ouvrir la PMA à toutes les femmes, "c'est notre objectif, ça reste notre objectif et peut-être même avant la fin du quinquennat", a-t-il encore souligné. Le président de l'Assemblée nationale, François de Rugy, souhaite quant à lui qu'un tel texte soit "assez rapidement" inscrit à l'ordre du jour des députés.