IVG : le Sénat s'oppose à l'allongement du délai légal

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avec AFP , modifié à
Le Sénat, dominé par l'opposition de droite, a rejeté sans surprise mercredi une proposition de loi visant à allonger le délai légal pour l'avortement, de 12 à 14 semaines. La motion a été votée par 201 voix pour (LR et centristes), et 142 voix contre (PS, RDPI à majorité En Marche, CRCE à majorité communiste, RDSE à majorité radicale, Indépendants, Ecologistes).

Le Sénat, dominé par l'opposition de droite, a rejeté sans surprise mercredi une proposition de loi visant à allonger le délai légal pour l'avortement, qui devrait néanmoins "poursuivre son chemin", comme l'a souhaité le secrétaire d'Etat Adrien Taquet. Le texte "visant à renforcer le droit à l'avortement" prévoit d'allonger le délai légal d'accès à l'IVG de 12 à 14 semaines de grossesse (16 semaines d'aménorrhée) pour répondre à un manque de praticiens et à la fermeture progressive de centres IVG.

Une nouvelle inscription à l'ordre du jour

Déjà voté en première lecture par les députés, il a été inscrit à l'ordre du jour du Sénat par le groupe PS dans l'objectif de faire avancer la navette parlementaire "pour que le texte aboutisse". Au regret de la majorité des groupes, la chambre haute a coupé court à la discussion en votant une motion de rejet en bloc du texte, défendue par Corinne Imbert, au nom du groupe Les Républicains.

La motion a été votée par 201 voix pour (LR et centristes), et 142 voix contre (PS, RDPI à majorité En Marche, CRCE à majorité communiste, RDSE à majorité radicale, Indépendants, Ecologistes).

"Même si la discussion est écourtée, il est essentiel que la proposition de loi poursuive son chemin", a déclaré le secrétaire d'Etat chargé de l'Enfance et des Familles. "Peu importe les opinions politiques, il faut avancer sereinement dans le respect des convictions de chacun", a-t-il ajouté. Le groupe des députés LREM a déjà annoncé sa volonté de l'inscrire de nouveau à l'ordre du jour de l'Assemblée.

Portée par la députée non-inscrite Albane Gaillot (ex-EDS), elle avait obtenu un large soutien de LREM en première lecture. Au Sénat, le texte a été porté par Laurence Rossignol, pour qui "il s’agit de répondre à des situations certes limitées par leur nombre, mais inacceptables sur le plan social comme médical".

"Ces 15 dernières années, le nombre des établissements réalisant des IVG a diminué de 22%", a-t-elle souligné, plaidant également pour "des mesures d'ordre structurel".

"Un acquis fondamental" 

Selon des données de 2017, "seulement 5% des interruptions volontaires de grossesse ont été réalisées dans les deux dernières semaines du délai légal de douze semaines", a fait valoir de son côté Corinne Imbert pour s'opposer au texte.

Cette opposition "ne doit en aucun cas être perçue comme une remise en cause de la loi Veil", a-t-elle précisé. Soulignant que "le droit à l'IVG est un acquis fondamental pour les femmes", elle a estimé que "ce point d'équilibre (...) doit être protégé afin de ne pas dénaturer ce qui fait l'essence même du droit à l'avortement, une exception, un ultime recours pour des situations sans issu".

Saisi par le gouvernement, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a estimé, mi-décembre, qu'"il n'y a pas d'objection éthique à allonger le délai d'accès à l'IVG" de deux semaines.

Quelque 1.500 à 2.000 femmes partent chaque année avorter à l'étranger - principalement aux Pays-Bas, en Espagne et au Royaume-Uni - parce qu'elles ont dépassé le délai légal en France, selon le CCNE. Dans ces pays, le délai légal est fixé au-delà de 16 semaines. Selon les sources, ce chiffre varie "entre 1.000 et 4.000 femmes", a indiqué pour sa part Xavier Iacovelli (RDPI).

La clause de conscience fait débat

Outre l'allongement du délai légal, la proposition de loi supprime la clause de conscience spécifique à l'IVG, un autre point qui fait débat. Le CCNE s'est lui-même dit en faveur de la "double clause", qui "souligne la singularité de l'acte médical que représente l'IVG".

Pour répondre aux problématiques d’accès à l'avortement, la proposition de loi autorise encore les sages-femmes à pratiquer des IVG chirurgicales jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse, une disposition déjà introduite, sous conditions et à titre expérimental, dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021. Le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes y est favorable, mais la mesure rencontre aussi des oppositions.

L'association anti-IVG Alliance Vita a immédiatement salué dans un communiqué le rejet de la proposition de loi, qualifiée d'"injuste pour les femmes et la société".