Guide Michelin : dans les coulisses de l'attribution des étoiles

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Anne-Laure Jumet et A.D
Le fameux guide rouge, édition 2017, révélera son palmarès jeudi. Europe 1 a enquêté pour savoir comment étaient attribuées les illustres étoiles.
L'ENQUÊTE DU 8H

Tous les ans, le moment est attendu, les listes scrutées. Le guide Michelin dévoilera jeudi son édition 2017. Entre troisièmes étoiles et rétrogradations, le guide rouge devrait comme à l'accoutumée apporter son lot de polémiques. Europe 1 vous emmène dans les coulisses du fameux guide.

Des appels dès mardi soir pour la province. Dès mardi soir, le Michelin a commencé à appeler les heureux élus qui sont en province. Pour les Parisiens, ce sera mercredi soir. Dans la pièce où sont passés ces appels, Michael Ellis, le directeur international des guides Michelin, a fait connaître la bonne nouvelle à un chef qui vient de décrocher une étoile. "J'ai le plaisir de vous annoncer que vous avez une étoile dans le guide Michelin 2017", lance le directeur au chef visiblement ému : "Whaou, génial, génial... Depuis cet après-midi, on se posait la question. Et là, merci, merci, merci !"

616 tables distinguées, en hausse par rapport à 2016. Le nom de cet heureux chef est encore secret. Il fait en tout cas partie des 16 nouveaux élus. Cette année 616 tables sont distinguées, dont notamment dans des régions qui étaient jusque-là peu ou pas étoilées. Quant aux trois étoiles, le Graal, la récompense suprême : on sait qu'il y en a plus que les 26 de l'an dernier. Et si 70 établissements gagnent des étoiles, 52 en perdent.

Des inspecteurs mystérieux. Le guide Michelin reçoit 45.000 lettres de lecteurs par an et les chefs viennent aussi rencontrer la direction pour faire leur promo et connaitre les remontées du terrain. Mais ce sont les fameux inspecteurs du Michelin qui mènent le jeu. Ils sont un petit bataillon : entre 15 et 30 personnes. C'est en tout cas ce que l'on dit dans le milieu car le chiffre n'est pas communiqué par la direction. Ces inspecteurs ont eu dans le passé une expérience dans l'hôtellerie-restauration, ce sont même parfois d'anciens chefs. Entre janvier et septembre, ils sont sur les route, avec chacun une zone de prospection. Ils mangent midi et soir au restaurant sans révéler leur identité, paient toujours leur addition, en carte bleue et non en chèque pour éviter tout risque de corruption (dans le cas où un chef reconnaîtrait un inspecteur et n'encaisserait pas le chèque pour avoir ses faveurs).

Entendu sur europe1 :
Les inspecteurs sont énormément sur les routes. Ils voyagent beaucoup et la vie de famille en prend un coup.

Cinq critères. Pendant la dégustation, les inspecteurs doivent passer au crible cinq critères. La qualité des produits, la maîtrise des cuissons, la personnalité du chef dans la cuisine, le rapport qualité-prix et la régularité (dans le temps et la régularité de la qualité entre les différents plats) permettent de juger l'assiette. Le décor et le service n'entrent eux pas en compte dans l'attribution des étoiles, indique-t-on chez Michelin. Pour ne pas se faire repérer, les inspecteurs ne prennent pas de notes sur le moment. Ils retranscrivent après, dans la voiture par exemple. 

Un milieu très masculin. Peu de femmes sont inspecteurs. Claire Dorland Clauzel, directrice des marques du groupe Michelin, s'en explique : "C'est un métier qui n'est pas facile, non pas pour le métier en lui-même mais parce que ce sont des gens qui sont énormément sur les routes. Ils voyagent beaucoup et la vie de famille en prend un coup. Je pense que c'est une des raisons pour lesquelles il n'y a pas autant de femmes qu'on le souhaiterait."

"Ils réservent souvent pour deux". A une époque, on pouvait reconnaître ces inspecteurs à leur costume cravate et leur voiture de monsieur-tout-le-monde, maintenant c'est moins le cas mais cela reste un jeu pour les chefs de les repérer dans la salle et certains détails ne trompent pas. Jérome Roy, chef du Cloître à Mane dans les Alpes de Haute-Provence, qui a obtenu une étoile l’an dernier, a une petite astuce pour les repérer : "Ils réservent souvent pour deux personnes et au final, l'inspecteur est tout seul. Donc là, on se dit 'Attention, c'est sûrement un inspecteur'. Il se présente en fin de repas ou le lendemain revient en disant 'J'ai dîné hier soir, je suis inspecteur du guide Michelin, est-ce que je peux visiter l'établissement ?'."

Unanimité. Quand l'un de ces inspecteurs pense que le restaurant est "étoilable", d’autres inspecteurs sont appelés en renfort pour tester le restaurant dans les semaines et mois qui viennent. En octobre-novembre, c'est l'heure du bilan lors de ce qu'on appelle des "séances étoiles". Pour qu'un restaurant soit distingué, il faut l'unanimité.

L'impact de l'étoile. Cela dépend bien sûr des établissements, mais il se dit qu'une étoile apporte entre 20 et 30 % de chiffre d'affaires en plus. Quand un restaurant obtient trois étoiles, c'est phénoménal en termes de retombées presse. Sur le site spécialisé Atabula, le chef Yannick Alleno fait les comptes : il y a eu 7.500 articles pour saluer ses trois étoiles l'an dernier. Mais certains chefs trouvent que c'est trop de pression et "rendent leurs étoiles", autrement dit ils changent de concept pour ne plus entrer dans les clous du guide.