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Aurélie Dupuy , modifié à
D'après le philosophe, le mouvement des gilets jaunes n'est pas révolutionnaire, mais mené par des gens révoltés qui ne portent pas d'idéologie. Et dont profitent des extrêmes.
INTERVIEW

En 1.485 pages, le philosophe Luc Ferry a fait le tour de sa discipline, ou du moins de ses définitions, en publiant Le dictionnaire amoureux de la philosophie. Invité pour l’occasion dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie, l'ancien ministre de l’Éducation nationale a posé son regard sur le mouvement des "gilets jaunes", lui qui était entré en fac en 68, date historique d'un autre mouvement de contestation.

Changements sociétaux. La "guerre civile du samedi" peut-elle accoucher d’une révolution politique ? Luc Ferry n'y croit pas, pas plus que ne l'a fait le mouvement de Mai-68. "Ce qui s’est passé en Mai-68, c’est vraiment une révolution sociétale. Il y a vraiment des effets. Par exemple, les lois Auroux (en matière de droit du travail, ndlr.) pour la démocratie d’entreprise, la reconnaissance des homosexuels, le féminisme, tout ça a progressé en France de manière formidable dans l’après-68. En revanche, la Constitution de 1958 n’a pas changé. On n’a pas eu de changement politique", détaille le philosophe.

"Tout le monde est républicain". Le mouvement de Mai-68 était en revanche, d'après lui, porté par "des idéologies extrêmement fortes qui sont à mon avis mortifères - des maoïstes, le PC encore à 25% - ce qui domine Mai-68, c’est l’idée révolutionnaire. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas, il n’y a pas de grandes idéologies", compare-t-il. Le contexte du mouvement des "gilets jaunes" est nettement différent, ajoute-t-il : "On a affaire aujourd’hui à un paysage politique où tout le monde est républicain, y compris Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Ils sont pour les élections."

Entendu sur europe1 :
Vous avez des gens qui sont révoltés, qui sont dans la rue et qui demandent, en gros, un, qu’on leur foute la paix avec leur bagnole, et deux, qu’on leur donne un pouvoir d’achat plus grand

"On les a emmerdés". Pour autant, le mouvement des "gilets jaunes" et ses neufs samedis de lutte en neuf actes, qui ont suivi des jours de mobilisation sur routes, péages et ronds-points, pourraient revêtir un côté révolutionnaire. "Mais sans idée", tranche Luc Ferry. "Il n’y a pas d’idées. Il n’y a pas de grande vision du monde (...) Vous avez des gens qui sont révoltés, qui sont dans la rue et qui demandent, en gros : un, qu’on leur foute la paix avec leur bagnole, et deux, qu’on leur donne un pouvoir d’achat plus grand", vulgarise-t-il.

"Les extrêmes, que ce soit des Mélenchon ou Le Pen, sont des partis populistes. Au fond, ils profitent de l’exaspération des gens. Pompidou disait 'Il ne faut pas emmerder les Français' mais là, on les a emmerdés au-delà du descriptible", conclut-il.