Frédéric Valletoux : à l'hôpital public, "l'intérim est une gangrène"

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A.H. , modifié à
La Fédération Hospitalière de France vient de publier une enquête sur les moyens de rendre l'hôpital plus attractif pour les médecins, qui boudent de plus en plus le secteur public. 
INTERVIEW

Frédéric Valletoux, président de la Fédération Hospitalière de France (FHF), l'assure : "Oui, l'hôpital reste attractif." Mais il en convient, "tout n'est pas rose." Pour preuve, sur les 285.840 médecins recensés l'an dernier, seulement 43.970 sont des praticiens hospitaliers.

De nombreux postes non-pourvus. "Le concept de désert médical touche aussi l'hôpital", affirme Frédéric Valletoux, invité d'Europe 1 Bonjour mercredi. "Un quart des postes de praticiens hospitaliers sont non-pourvus", déplore-t-il. C'est pour répondre à cette problématique que la FHF vient de publier une enquête intitulée "Comment rendre l'hôpital plus attractif pour les médecins ?" Etudiants et praticiens y sont interrogés, et leurs témoignages attestent d'une situation qui ne peut plus durer.

"Des métiers pénibles". "À l'hôpital, il y a une pression liée à l'activité, notamment aux urgences, seul service public qui voit sa fréquentation augmenter de 10% par an. Plus de 20 millions de passages ont été recensés aux urgences l'an dernier. Il y a dix ans, c'était 10 millions. On voit donc bien l'explosion de la fréquentation, qui pèse sur l'organisation hospitalière", illustre par exemple Frédéric Valletoux. "Ce sont des métiers qui sont pénibles, difficiles, et en plus, la sur-administration de l'hôpital pèse sur les soignants", ajoute-t-il.

Une rémunération bien supérieure dans le privé. Selon le président de la FHF, cette "sur-administration" est "moins prégnante" dans le secteur privé. C'est l'une des raisons pouvant expliquer que les médecins boudent le secteur public pour le privé. Mais la principale reste la rémunération, où l'écart public/privé est parfois considérable. "Un anesthésiste qui va dans le privé peut gagner trois fois plus", assure Frédéric Valletoux, qui préconise de "mieux rémunérer" les praticiens dans le public, afin d'éviter cette fuite vers le privé.

Le très coûteux recours aux intérimaires. Pour pallier ce manque d'effectif, l'hôpital est obligé de faire appel à des intérimaires. Certains peuvent gagner plus de 2.000 euros à la journée, et les abus montent parfois jusqu'à 5.000 euros. Marisol Touraine voulait enrayer le phénomène l'année dernière, sans succès. "L'intérim est une gangrène, car elle pénalise les budgets hospitaliers", dénonce Frédéric Valletoux, pour qui "la solution serait de donner plus d'outils de rémunération aux dirigeants hospitaliers", qui pourraient ainsi retenir leurs praticiens.

"Aujourd'hui, l'hôpital est à un tournant", déclare le président de la FHF. "C'est le message que l'on a adressé, et que je répète, à la ministre de la Santé Agnès Buzyn. Si on veut préserver un système hospitalier performant, il faut changer le logiciel, c'est-à-dire alléger les procédures, et transformer le financement".