Les fusions de communes se multiplient depuis plusieurs années. 4:49
  • Copié
Victor Dhollande-Monnier et François Coulon, édité par Thibaud Le Meneec
Pour lutter contre les baisses de moyens, de plus en plus de communes sont tentées de fusionner avec leurs voisines. Loin d'être anecdotiques, ces mariages ont aussi leur revers.
REPORTAGE

Quelque 19.500 communes subiront une baisse de leur dotation forfaitaire cette année, selon le Comité des finances locales. Les fusions de communes, quand elles sont bien menées, sont une alternative crédible pour faire face à ces diminution de moyens : la mutualisation des infrastructures routières et des équipements municipaux permet par exemple de faire des économies importantes sans perdre de services publics.

>> De 7h à 9h, c’est deux heures d’info avec Nikos Aliagas sur Europe 1. Retrouvez le replay ici

C’est le cas à Baugé-en-Anjou, la première commune française à avoir franchi le pas, en 2012. À l’époque, le village s’est regroupé avec quatre autres communes. Puis, en 2015, 10 autres villages les ont rejoints. Aujourd'hui, la commune est peuplée de 12.000 habitants, avec 10 écoles publiques et des infrastructures ultra-modernes.

Une maison de santé au centre du village. Pourtant, il y a quelques années, les caisses des anciennes communes étaient vides. "Les petites communes, qui n'avaient déjà plus de marges financières, n'entretenaient plus leurs routes et leurs chemins. Nous, on investit entre 5 et 7 millions d'euros par an", vante le maire actuel, Philippe Chalopin.

Plantée au milieu du village, une maison de santé abrite désormais un cabinet de radiologie, des psychiatres et même une salle de balnéothérapie. Des investissements qui n'auraient jamais pu être supportés par une seule commune. "Ça m'a permis de partager un secrétariat, dans une collaboration avec d'autres collègues, car j'étais toute seule dans mon petit village", appuie Annie Cartier, médecin généraliste.

"Ça permet de conserver les jeunes". À Fougeré, petit village de 800 habitants qui fait désormais partie de la nouvelle commune, une boulangerie, le bar et la supérette avaient disparu les uns après les autres. Avec la fusion, une épicerie-restaurant a vu le jour. "Les gens qui se sont installés sont vraiment accueillants, ça permet de conserver les jeunes", s'enthousiasme Julie, une habitante. "Il faut que ça continue comme ça." Elle n'est pas la seule à être satisfaite de la fusion de communes. Depuis 2012, la population a augmenté, des entreprises ont décidé de s'installer et le chômage a reculé.

Guerre de clochers. Mais les peurs locales sont encore tenaces au moment de fusionner, par exemple dans le Finistère, entre Poullaouen et Locmaria-Berrien. Les deux communes ont récemment fusionné, mais peut-être pour des mauvaises raisons et sans aucune consultation de la population. Depuis, c’est une guerre de clochers, comme ce fut le cas dans d'autres communes.

À l'origine de la fusion se trouve un problème de canalisation dans le réseau d'eau de Locmaria-Berrien. Tarif de la réfection : 100.000 euros, beaucoup trop lourd pour le village de 244 habitants qui part alors à la chasse de partenaires. "On s'est tourné vers Poullaouen et le maire m'a répondu immédiatement qu'il pouvait nous vendre de l'eau", raconte Alain Le Cam, aujourd'hui maire délégué. 

Les opposants dénoncent un "vol d'identité". Poullaouen, 1.300 habitants, a épousé Locmaria-Berrien au 1er janvier dernier, sans la moindre consultation de sa population. "On nous a pris pour des billes. 'De toute façon, ils ne comprennent rien. On ne fera pas de consultation parce qu'on sait qu'ils voteront contre'. Il n'y a aucun point commun entre les deux communes, c'est morne plaine, nous sommes dans les reliefs montagneux avec des traditions, une culture et une histoire qui sont totalement différentes", s'emporte Yannick Gonthier, opposant à la fusion. "On nous vole notre identité."

" On demandait à comprendre les enjeux de cette fusion et les alternatives possibles. C'est un déni de démocratie "

Une pétition d'opposants à la fusion des deux communes finistériennes a recueilli 183 signatures à Locmaria-Berrien. "On est absorbés, c'est le phagocytage et non la fusion", s'énerve Achille Berthou, autre opposant, qui parle même d'une "annexion". "On demandait à comprendre les enjeux de cette fusion et les alternatives possibles. C'est un déni de démocratie, on vit tous ça comme une trahison. C'est un mariage forcé et la promise se rebelle". Les opposants à la fusion viennent de former un pourvoi devant le tribunal administratif de Rennes.

Penser au long terme, la solution ? En fait, quand on fusionne, il faut penser développement du territoire au long terme et ne pas le faire uniquement pour des économies immédiates. C'est une leçon apprise par les maires qui ont fusionné. Enfin, il faut maintenir des maires délégués dans chacune des communes fusionnées. Même si c’est symbolique, même si ces élus ne sont pas payés, cela permet de conserver la proximité et l'identité de chaque territoire.