Mariam Abou Daqqa 1:14
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Louis De Raguenel avec AFP / Crédit photo : CHRISTOPHE SIMON / AFP , modifié à
Le tribunal administratif de Paris a suspendu vendredi l'arrêté d'expulsion visant Mariam Abou Daqqa, militante du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), arrivée légalement en France fin septembre pour y tenir des conférences. Face à cela, l'Etat a annoncé vouloir faire appel de la suspension d'expulsion.

La militante palestinienne Mariam Abou Daqqa a obtenu vendredi une suspension de l'arrêté d'expulsion qui la vise, la justice pointant "une atteinte grave" à la liberté d'expression de la part du ministère de l'Intérieur qui a annoncé faire appel de cette décision. Arrivée légalement en France fin septembre pour y tenir des conférences, Mariam Abou Daqqa s'est vu notifier lundi un arrêté d'expulsion du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

"L'Etat va faire appel"

Cette militante du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), une organisation de gauche radicale qualifiée de "terroriste" par Israël et l'Union européenne, contestait vendredi cet arrêté devant le tribunal administratif de Paris en procédure d'urgence. "Le ministre de l'Intérieur a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression et à la liberté d'aller et venir" de Mme Abou Daqqa, estime le juge des référés du tribunal administratif dans son ordonnance, dont l'AFP a eu connaissance. "L'Etat va faire appel", a annoncé le ministère de l'Intérieur à l'AFP, quelques minutes après la décision du juge, sans autre commentaire.

L'avocate de Mariam Abou Daqqa, Me Julie Gonidec, a estimé auprès de l'AFP que la décision constituait "un camouflet pour le gouvernement qui a cherché à utiliser une mesure de police des étrangers pour contraindre une parole critique". "C'est une vraie victoire contre la criminalisation de tout soutien au peuple palestinien, à laquelle nous assistons depuis quelques jours", a-t-elle ajouté. Lors de l'audience, l'avocate a rappelé qu'un visa avait été délivré en août par les services consulaires français de Jérusalem à sa cliente, "militante depuis des décennies" du FPLP, et que le ministère de l'Intérieur créait "une menace par un contexte et non par un comportement individuel".

"Ni adaptée, ni proportionnée"

La représentant du ministère de l'Intérieur avait expliqué à l'audience que lorsque la militante avait obtenu son visa, le contexte "n'était pas aussi éruptif" que maintenant. Le 7 octobre, le mouvement islamiste Hamas a lancé une attaque sans précédent, de Gaza contre Israël, déclenchant une guerre sanglante. Mariam Abou Daqqa n'a "pas appelé à soutenir le Hamas, ni tenu de propos antisémites, ni commis d'agissements de provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence contre un groupe de personnes en raison de son appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion", a estimé pour sa part le juge des référés.

Pierre Stambul, porte-parole de l'Union juive française pour la paix (UJFP), un mouvement d'extrême gauche antisioniste, a exprimé auprès de l'AFP "une grande satisfaction", lui qui a porté le recours contre l'arrêté d'expulsion de Mariam Abou Daqqa en dénonçant un arrêté d'expulsion qui "était tout un poème, mélangeant tout et son contraire". "La participation à des conférences (de Mme Abou Daqqa) était considérée comme de nature à attiser la haine et la violence entre les communautés, alors qu'elle est hébergée chez moi, un juif!", a ajouté le responsable de l'UJFP qui s'est dit aux côtés de Mariam Abou Daqqa alors qu'il répondait à l'AFP au téléphone.

Selon le tribunal administratif, l'expulsion de Mariam Abou Daqqa, ordonnée en urgence absolue, n'est "ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à la nature des troubles à l'ordre public que sa présence est susceptible d'entraîner". Pour Pierre Stambul, il appartient désormais à la militante du FPLP de reprendre ou non la série de conférences qu'elle devait donner dans 17 villes et qui a été interrompue à Marseille après cinq étapes.