Adrien Taquet 2:18
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Mathilde Durand , modifié à
Le secrétaire d'Etat chargé de l'Enfance et des Familles, Adrien Taquet, a présenté plusieurs propositions pour mieux réprimer l'inceste et les violences sexuelles sur les mineurs, mardi sur Europe 1. Le gouvernement veut notamment introduire une prescription "glissante", introduire un seuil d'âge à 15 ans et souhaite une qualification autonome d'inceste.
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Après l'onde de choc déclenchée par la publication du livre La Familia grande de Camille Kouchner, révélant les actes incestueux du politologue Olivier Duhamel et le mouvement #Metooinceste, le gouvernement a été sommé d'agir face à ces violences sexuelles intrafamiliales. En janvier dernier, Emmanuel Macron avait annoncé la prise en charge de l'accompagnement psychologique des victimes et des visites de dépistages développées au primaire et collège. Une consultation a également été engagée pour une meilleure réponse législative, avec le Garde des Sceaux Eric-Dupond-Moretti. Seuil d'âge, délais de prescription, qualification de l'inceste : Adrien Taquet, secrétaire d'Etat chargé de l'Enfance et des Familles, présente les propositions du gouvernement issues de ces réflexions sur Europe 1.

Une prescription "glissante"

Les récentes révélations autour de l'affaire Duhamel ont rouvert le débat du délai de prescription, qui s'établit à 30 ans à compter de la majorité de la victime depuis la loi Schiappa de 2018. Le gouvernement se dit favorable à une "prescription échelonnée" ou "glissante". "Sur cet aspect, la philosophie est d'assurer une égalité de protection pour toutes les victimes d'un même auteur", explique Adrien Taquet. "Nous allons adopter un mécanisme qui s'appelle la prescription glissante. En fait le mécanisme de prescription de la dernière victime va s'appliquer à l'ensemble des victimes du même auteur et cela va leur permettre de pouvoir bénéficier d'un procès".

Ainsi, il suffit que les faits ne soient pas prescrits pour une seule des victimes pour que toutes, y compris les plus anciennes, puissent obtenir un procès.

Pour les victimes isolées, la loi Schiappa continue de s'appliquer. "J'ai rencontré beaucoup de victimes qui disent aussi avoir attendu l'imprescriptibilité des faits pour parler", assure Adrien Taquet, pointant les débats internes au sein des différentes associations. "Il faut respecter."

Un nouveau crime de viol

Sur la question du seuil d'âge, largement débattue dans l'espace public, le gouvernement est favorable à la définition d'un nouveau crime de viol : tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de 15 ans ou moins est un crime, sans qu'il soit besoin de prouver qu'il y a eu contrainte, menace, surprise et/ou violence. "On n'interrogera plus le consentement de la victime comme c'est le cas aujourd'hui', précise Adrien Taquet. "C'est une avancée importante pour la protection de nos enfants."

"Pour ne pas criminaliser une relation adolescente qui pourrait se poursuivre au-delà de la majorité du plus âgé des deux, nous réfléchissons à introduire une notion d'écart d'âge, par exemple cinq ans", précise le secrétaire d'Etat. Des exceptions seront ainsi prévues pour ne pas criminaliser systématiquement une relation consentie entretenue entre un adolescent de 14 ans et un jeune adulte de 18 ans, par exemple. 

Actuellement en France, tout acte sexuel sur un enfant de moins de 15 ans est une "atteinte sexuelle", punie de sept ans d'emprisonnement. Pour qualifier ensuite le fait d'agression sexuelle ou de viol, il faut prouver les éléments constitutifs de ce dernier : la surprise, la violence, la contrainte ou la menace, même pour un enfant de moins de 15 ans.

L'inceste, facteur aggravant ou nouvelle infraction ? 

Enfin, concernant la distinction juridique entre le viol sur mineur et le viol incestueux, l'exécutif est encore en réflexion, explique Adrien Taquet, pointant une nouvelle fois les débats qui secouent les associations. "Elles sont divisées sur le sujet. Un certain nombre d'entre elles souhaiteraient que ce soit une infraction spécifique pour justement traduire la spécificité de ce crime. D'autres estiment que l'on doit continuer à parler de viol, qu'il faut nommer les choses. Qu'un viol est un viol et que nommer les choses de façon différente dans le Code peut conduire à un risque de dilution de la qualification initiale", assure le secrétaire d'Etat. "Pour l'instant, à ce stade, le gouvernement réfléchit encore à des solutions juridiques pour mieux réprimer l'inceste." Facteur aggravant, nouvelle infraction : les options sont sur la table. 

Quant au calendrier, Adrien Taquet l'assure, le gouvernement souhaite "aller vite" sur ce "sujet de société qui nous concerne tous". 

Plusieurs autres pistes restent à étudier sur le sujet de l'inceste, notamment sur la protection des enfants handicapés, la sensibilisation dès l'école, la formation des professionnels travaillant auprès des enfants ou encore des programmes de prévention. Une instance de réflexion a été confiée à Edouard Durand, vice-président chargé des fonctions de juges des enfants au Tribunal Judiciaire de Bobigny et Nathalie Mathieu, directrice de l'association Docteurs Bru, spécialisée dans l'accueil des enfants victime d'inceste, afin d'explorer ces sujets.