ENQUÊTE - Manque de moyens et de personnel : au CHU de Guadeloupe, 43 morts suspectes depuis janvier

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Matthieu Bock et A.D. , modifié à
ENQUÊTE - A l'hôpital, le manque de matériels, non remplacés depuis l'incendie de novembre, est criant. Avec des conséquences humaines très lourdes.
L'ENQUÊTE DU 8H

Au CHU de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, la situation est alarmante. Depuis l'incendie du 28 novembre 2017, possiblement dû à un acte humain, les moyens manquent de manière dramatique. Sur le parking, à la place des ambulances, de grandes tentes blanches ont été installées, où patientent, parfois plusieurs jours, les malades admis aux Urgences. Et une fois les portes de l'établissement franchies, on s'aperçoit que les appareils qui ont brûlé n'ont pas été remplacés, que les armoires sont parfois vides. Plusieurs médecins le disent : "C'est terrible, cruel, mais on doit faire des choix".

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"Est-ce qu'à 70 ans au CHU, c'est la fin ?". Un choix, c'est visiblement ce qu'a dû faire l'hôpital quand un homme de 70 ans s'est présenté à l'hôpital pour un AVC. Les médecins ont été optimistes dans un premier temps, mais quelques heures plus tard, le CHU a annoncé brutalement sa mort à sa fille Valérie. Cette dernière raconte : "Un interne nous a répondus en disant qu'il était au poste opératoire et que, malheureusement, il n'y a avait pas suffisamment de matériel pour opérer. Je suis effondrée. Il me manque, avec ses éclats de rire. On a encore beaucoup d’interrogations. Est-ce qu'à 70 ans, au CHU, c'est la fin ?", s'interroge-t-elle.

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Des morts comme celle-là, les médecins en recensent tous les jours. Comme celle de cette jeune femme de 22 ans, opérée pour une banale infection du rein et qui est morte parce qu’il n’y avait plus qu’une seule bouteille d’oxygène dans le bâtiment. Ou il y a encore cet anesthésiste qui a choisi de garder les deux ampoules d’adrénaline qu’il lui restait car sa patiente était dans un état critique.

Une enquête de l'ARS. Le collectif de défense du CHU a comptabilisé lui-même 43 décès supplémentaires en deux mois et demi, soit une augmentation de 31% par rapport à la même période l'année dernière. Ici, dorénavant, on parle de "médecine de guerre". C'est pour cela que la nouvelle directrice de l'Agence régionale de santé (ARS) a été choisie. Valérie Denux est médecin militaire. Elle a notamment opéré au Moyen-Orient et en Afrique et elle aussi a lancé une enquête : "Il y a effectivement un sentiment probable de certaine perte de chance. Mon objectif, c'est que d'ici fin avril, je puisse avoir la meilleure visibilité possible", explique-t-elle à Europe 1. 

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Dix bébés décédés. Au service de néonatalogie, les chiffres aussi sont dramatiques : dix bébés sont morts à cause du matériel ou des secousses pendant les transferts. La route qui mène à la maternité, qui était très dégradée, a d'ailleurs été refaite il y a quelques jours.

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Au milieu de ce désastre, les personnels sont désespérés. Un tiers des 3.300 employés sont en arrêt maladie. De plus en plus de médecins démissionnent ou s’apprêtent à le faire, d’autres quittent la Guadeloupe. Quant aux médecins qui doivent eux-mêmes se faire soigner ou accoucher, ils choisissent de partir en métropole, signe d'une totale perte de confiance.

Retrouvez l'intégralité de l'enquête :