Engagement de Macron sur les stages de troisième : le compte y est presque, mais…

La plateforme "Mon stage de 3e" recense les offres disponibles pour les collégiens. © Capture d'écran
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Anne-Laure Jumet, édité par Thibaud Le Meneec , modifié à

Si l'objectif de 30.000 stages proposés à des jeunes de quartiers prioritaires devrait être atteint, la politique du résultat a poussé les entreprises à réagir sous la pression, sans prendre systématiquement en compte l'intérêt du stage.

C’est la pleine période des stages d’observation en entreprise pour les élèves de troisième. Difficile, quand on n’a pas de réseaux, d’avoir un stage intéressant. D’où l’engagement d’Emmanuel Macron, formulé en mai dernier, de permettre à 30.000 jeunes des quartiers prioritaires d’avoir un stage : la moitié dans le privé, l’autre dans le public. Qu’est devenu cet engagement ? Europe 1 a enquêté.

Plus de 26.000 offres disponibles. Au dernier pointage, lundi matin, il y avait 26.681 offres de stages sur la plate-forme Internet créée pour l’occasion : monstagedetroisieme.fr. Et le bilan n’est pas encore définitif puisque les stages s’échelonnent jusqu’au printemps. On attend dans les jours qui viennent de nouvelles offres, assure le commissariat à l’égalité des territoires, la structure gouvernementale qui porte le projet. La Poste, par exemple, devrait ainsi proposer 4.500 stages. L’objectif devrait donc être dépassé.

 

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Dans le détail, il faut noter que la proportion est plus forte dans le public que dans le privé. Trois stages sur cinq sont ainsi proposés dans le secteur public. Cela veut dire que l’État a actionné le levier le plus facile. Des élèves de Clichy-sous-Bois vont par exemple faire des stages aux ministères de la Culture ou des Sports. Les services du Premier ministre vont accueillir 45 élèves de trois collèges différents.

Changement de politique des grands groupes. Les entreprises, quant à elles, ont suivi cet engagement présidentiel, mais pas encore dans les proportions souhaitées. Celles qui ont le plus joué le jeu se trouvent dans le secteur bancaire, le bâtiment et les nouvelles technologies. Ce sont de grandes entreprises pour l’essentiel. Jusqu’à maintenant, elles prenaient en stage les enfants de leurs salariés. Là, elles ont changé de logique et fait la place à des élèves sans piston. Total, par exemple, a décidé de réserver la moitié de ces stages de troisième à des enfants de quartiers défavorisés. Idem pour Kering, la maison mère de Gucci. En interne, c’est parfois une vraie prise de conscience alors que le sujet ne figurait pas du tout parmi les priorités.

" Ça fait du bien de voir des jeunes dans les systèmes de retraite, où on pense souvent aux personnes qui s'approchent de la retraite ou qui sont déjà retraitées "

Ces entreprises ont réagi sous la pression. Mais d’autres avaient pris les devants, avant même l’appel d’Emmanuel Macron. Certaines ont compris l’intérêt de ne pas limiter les stages aux enfants du personnel ou aux enfants d’amis. C’est le cas de la branche retraite complémentaire Agirc-Arcco. Il y a trois ans, elle a ainsi décidé d’aller chercher ces jeunes, en se montrant sur les forums emploi ou en diffusant des vidéos sur Internet. 

"Bâtons dans les roues". Grâce à cette politique offensive, Josias, collégien à Chelles, en Seine-et-Marne, a trouvé son stage. "C'était un ouf de soulagement parce que j'ai eu plein de refus avec des motifs différents : soit ils étaient pleins, soit la période de stage était trop courte, soit je n'étais pas majeur." "Le chef d'établissement nous a dit : 'S'il ne trouve pas de stage, il n'aura d'autre choix que de le faire à la cantine'", abonde son père. "Pourquoi ne pas donner sa chance à un jeune qui voudrait aborder la vie professionnelle ? Les motifs de refus sont autant de bâtons dans les roues."

Car ce stage de 3ème est un premier pas dans la vie professionnelle et permet éventuellement de nouer des contacts pour plus tard. Et c’est aussi gagnant-gagnant avec la structure d'accueil. "Ça fait du bien de voir des jeunes dans les systèmes de retraite, où on pense souvent aux personnes qui s'approchent de la retraite ou qui sont déjà retraitées", explique le directeur général du régime Agirc-Arcco, François-Xavier Selleret. "Parmi nos équipes, ces jeunes sont souvent à l'aise avec l'outil numérique et on est amenés à ce qu'ils nous accompagnent dans l'appropriation."

Les inconvénients de la politique du chiffre. Alors les entreprises de la branche retraite complémentaire ont encore du travail à faire pour se faire connaitre. L’an dernier, elles ont accueilli 550 collégiens, alors que l’objectif affiché est de proposer 1.000 stages par an. C’est d’ailleurs le problème des objectifs chiffrés : pas sûr qu'ils soient tenus. En affichant l’objectif de 30.000 offres de stages pour les collégiens de quartiers défavorisés, Emmanuel Macron a poussé à la politique du résultat. Le patron d’un grand groupe a ainsi expliqué à Europe 1 qu’il avait arrondi à 2.000 ses offres de stages, alors que ses équipes lui faisaient seulement remonter 1.200 propositions.

Un bilan de l'opération le 15 janvier. Or, afficher un chiffre ambitieux, ça n’assure pas d’abord que tous les stages soient effectivement réalisés, ni que le stage soit intéressant, même si le nom de l’entreprise fait bien sur un CV. C’est pour cela que l’aide des associations est cruciale. Elles sont huit à avoir signé un partenariat avec l’État. Et les pouvoirs publics sont conscients qu’il faut encore professionnaliser la démarche : plus de moyens sont en train d’être dégagés pour suivre l’exécution de ce plan de 30.000 stages et un bilan de l’opération sera fait le 15 janvier.