Sur Youtube, certains enfants sont suivis par des millions de personnes. 8:03
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Lucie de Perthuis
La proposition de loi visant à encadrer l'activité des mineurs de moins de 16 ans sur les plateforme en ligne a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Pour en parler, Philippe Vandel reçoit sur Europe 1 le député En Marche à l'origine de la loi, Bruno Studer, et Thomas Rohmer, président de l'association OPEN (Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique). 
INTERVIEW

Ils ont 6 ans, 8 ans, 12 ans et sont les héros de vidéos mises en scène par leurs parents, cumulant parfois des millions de vues. On les appelle des "enfants youtubeurs" ou "enfants influenceurs". Jusqu’à présent, cette activité n’était pas encadrée juridiquement. La semaine dernière, une proposition de loi visant à encadrer l’activité des mineurs de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne a été adoptée à l'unanimité à l’Assemblée Nationale. Pour en parler, Philippe Vandel a reçu vendredi Bruno Studer, député En Marche à l'origine de cette proposition de loi, et Thomas Rohmer, président de l'association OPEN (Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique), dans son émission Culture - Médias.

Combler un "double vide juridique"

Jusqu'à présent, les parents de ces "enfants stars d'internet" n'avaient aucune règle juridique à respecter, sinon celle de déclarer les revenus générés par l'image de leurs enfants. Cette proposition de loi adoptée par les députés vient donc combler un vide juridique, et même un "double vide juridique", selon Bruno Studer.

"Dans le cas où il y a une relation de travail clairement établie entre le parent et l'enfant, il n'était protégé par aucun statut, comme celui des enfants du spectacle", explique le député derrière cette loi. Le statut des enfants du spectacle assure le droit au loisirs, au repos, à l'instruction de l'enfant, qu'il soit acteur, mannequin ou chanteur.

Son consentement est aussi vérifié, et l'argent qu'il génère est bloqué sur un compte en banque en attendant sa majorité. La question de la monétisation est importante. On estime que certains comptes rapportent 150.000 euros mensuels !

Responsabiliser les entreprises 

La loi vise à aligner le statut des enfants youtubeurs sur celui des enfants du spectacle. "Il s'agit d'un encadrement, pas d'une interdiction", précise le député. "On peut se réjouir des nouvelles formes d'expression, de création voire d'entrepreneuriat sur internet, mais il faut respecter et protéger les intérêts supérieurs des enfants", explique-t-il. "Il fallait inventer un nouveau système de protection. On a décidé de rendre obligatoire une déclaration des parents au delà d'un certain seuil, que ce soit les revenus ou le nombre de vidéos ou de photos. Il faut aussi responsabiliser les entreprises qui font du placement de produit : une amende est prévue pour celles qui ne vérifient pas que la déclaration a été faite", détaille le député.

Différents acteurs interviennent : les associations de protection de l'enfance - qui vont signaler des cas identifiés -, les plateformes - qui travaillent en collaboration avec les associations -, l'administration, mais aussi les services de protection sociale de l'enfance, qui peuvent diligenter des enquêtes dans des familles. 

"L'enfant n'a plus de loisir"

Pour comprendre l'importance d'encadrer ces activités, Thomas Rohmer explique que certains comptes publient une trentaine de vidéos par mois. "Cela veut clairement dire que l'enfant n'a plus de loisirs", s'indigne le président d'association. "L'idée n'est pas de montrer ces parents du doigts et d'être dans la moralisation, mais de partir d'un statut vulnérable qui est celui de l'enfant, et de dire que ça mérite d'être encadré", poursuit-il.

Le phénomène est encore plus inquiétant aux Etats-Unis. "C'est pour que ça n'arrive pas en France que l'on légifère, et on est le premier pays à le faire", se félicite Bruno Studer, qui continue de préciser les contours de sa loi. "Pour avoir l'autorisation de tourner ces vidéos dans le cadre de la relation de travail, les enfants vont passer devant une commission composée de professionnels de la psychologie enfantine", assure-t-il. 

"C'est alarmant"

Il explique que l'exposition médiatique des enfants peut également avoir un impact néfaste sur sa construction. Certains sont mis en scène dès l'âge de trois ans. "Il n'y a plus aucune intimité, et je me demande comment on peut se construire dans ces conditions. C'est alarmant. Il y a aussi la question du droit à l'oubli : grâce à une disposition de la loi, les enfants pourront demander la suppression de vidéos dans lesquelles ils apparaissent avant 18 ans", continue le député. 

Sa proposition de loi a été votée à l'Assemblée nationale, et sera bientôt examinée par le Sénat. Face à ce vote, le député se montre confiant : "S'opposer à l'encadrement de l'exploitation des enfants, personne n'a intérêt à aller dans ce sens là".