Emma élève seule ses trois enfants : "On ne peut pas être malade ou fatiguée"

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Léa Beaudufe-Hamelin
Après leur divorce, le mari d’Emma a refusé la garde alternée. Elle élève alors seule ses trois enfants, malgré son emploi du temps chargé de cadre supérieure. Partagée entre sa vie de famille et sa vie professionnelle, Emma n’a plus de temps pour sa vie amoureuse. Mère célibataire, elle se livre à Olivier Delacroix.
TÉMOIGNAGE

Depuis son divorce il y a deux ans, Emma élève seule ses trois enfants, âgés de 15, 13 et 6 ans. Cadre supérieure dans le domaine des cosmétiques de luxe, elle rentre souvent tard le soir et part en déplacement pendant plusieurs jours. Son ex-mari n’ayant pas souhaité la garde alternée, ce sont ses enfants qui gèrent seuls la maison. Son emploi du temps chargé, partagé entre sa vie de famille et sa vie professionnelle, l’oblige alors à mettre de côté sa vie amoureuse. Emma raconte à Olivier Delacroix son quotidien de mère célibataire. 

Emma se livre au sujet de ses responsabilités de mère célibataire : "J'avais une vision ‘petite maison dans la prairie’. Je me suis mariée civilement et religieusement, en aucun cas en me disant que ça s'arrêtera un jour. Si j'avais su que je devrais élever seule mes enfants, bien sûr que je ne l'aurais pas fait. On n'a pas le choix. On ne peut pas être malade ou fatiguée puisqu'on a la charge des enfants qui, eux, peuvent être malades ou fatigués. On ne peut pas s'arrêter de travailler puisqu'on se dit qu'il faut faire manger la famille. 

Puis, si on aime son job, c'est mon cas, et qu'on a envie de bien le faire, on veut aussi être appréciée de son entreprise et ne pas perdre un boulot qui nous plaît. Quand je suis absente, ce sont les enfants qui gèrent la maison de manière collégiale, avec un focus sur la plus grande, Émeline qui a 15 ans. Elle est très responsable. Ça se passe bien. Il n'y a pas de drame. Ils vont se coucher, ils mangent convenablement, personne ne les a attaqués. 

" J'ai toujours le sentiment d'être la mauvaise maman "

Tout se passe bien, mais le bilan est contrasté parce que je pense que les enfants ont aussi besoin d'être suivis, notamment pour les devoirs. Ça pourrait être beaucoup mieux. La réussite scolaire des enfants était meilleure quand on était en couple. Quand on est seule, c'est plus dur. Les enfants trinquent. Je culpabilise beaucoup. Cette année, ma grande entre en Seconde. Je n’étais pas à la réunion parents-profs. J'étais ailleurs. Le petit est entré en CP et je n’étais pas à la réunion avec la maîtresse. C'est une grosse culpabilité. J'ai toujours le sentiment d'être le vilain petit canard, la mauvaise maman. 

Je culpabilise aussi vis-à-vis du père qui fait son boulot de son côté. Il demande où en sont les notes et pourquoi il y a un relâchement dans la discipline, alors que vous n'êtes pas là et faites de votre mieux. Le regard qu'on porte sur un homme ou une femme dans le milieu professionnel n'est pas le même. Un père de famille qui travaille, c'est comme s'il n'avait pas d'enfants. Il est juste considéré comme un collaborateur. Je pense que, globalement, les hommes sont égoïstes. Ils ont la belle vie. Je ne suis pas sûre qu’ils voudraient de cette vie. D'ailleurs, ceux que je connais n'en veulent pas."

" Je me suis demandé si j’allais m'en sortir "

Épanouie professionnellement, Emma évoque la précarité que subissent de nombreuses mères célibataires : "C’est tellement agréable de faire quelque chose qu'on aime. J’ai beaucoup de chance. J'échappe à une partie de la problématique de beaucoup de mamans seules : le côté matériel. Je me suis demandé si j’allais m'en sortir et réussir à payer les charges fixes et faire ce qu'il faut pour les enfants. C’était une grande peur au départ. J'ai compté quelles étaient mes ressources et mes charges. Je me suis rendu compte qu'on n'était pas dans le négatif. Ça m'a beaucoup soulagée. En le vivant depuis un certain temps, je me rends compte que c'est vivable."

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Souvent, Emma rentre tard du travail et est contrainte de laisser ses enfants se débrouiller seuls sous la surveillance d’Émeline, l’aînée âgée de 15 ans. Cette dernière se confie sur son rôle : "Au départ, maman ne voulait pas trop nous laisser parce qu’elle avait peur. J'étais en âge de faire du baby-sitting, alors je lui ai dit que je pouvais garder Jonathan et Margaux. Le problème, c’est qu'on me reproche d'être trop investie. Par exemple, quand Jonathan n'est pas encore lavé ou quand il n’écoute pas maman, je le reprends. Ça gêne maman, parce que Jonathan m'écoute plus qu’elle maintenant. 

Quand elle rentre juste tard le soir, on arrive à se débrouiller, mais quand elle part plusieurs jours, c'est un peu énervant. Avant, elle ne travaillait pas autant. Comme elle est fatiguée quand elle rentre, elle est encore plus énervée. Parfois quand la maison n'est pas parfaite, ça clashe." Margaux, la cadette, acquiesce : "Elle est très stressée et stressante. Elle a le don de partager son stress. Par exemple, une fois, j’ai fait du repassage et j'ai laissé la table à repasser dans la salle à manger. Elle s’est tout de suite énervée sans voir le côté positif : j’avais fait une heure et demie de repassage."

Émeline reprend : "Ce n'est pas notre rôle de faire ça. Maman n’a pas vraiment le choix. Pour ma part, ça ne me gêne pas de faire ça pour elle. Ça ne m’a pas coupé l'envie d'être maman, mais je pense que je ne ferai pas un travail où je me déplacerai." Margaux poursuit : "Moi, d’un côté j'aimerais bien faire son travail, mais en même temps non, parce qu’elle fait moitié boulot, moitié vie de famille, et n’a même plus de vie privée."

" Il n'y a pas de légèreté quand on est maman "

Emma évoque sa vie de femme célibataire et se confie sur sa difficulté à rencontrer un nouveau compagnon : "La rencontre spontanée qui se ferait dans un cadre social, comme si on était célibataire et sans enfant, n'existe pas. Il reste très peu de temps pour éventuellement rencontrer des gens. Il y a aussi le facteur âge des enfants qui joue. On n'a moins de liberté quand on a de petits enfants. On ne jouit de la même liberté qu’une personne qui a des enfants déjà autonomes. C’est compliqué à gérer. 

Pour le moment, mes enfants ne m'ont jamais vue avec un autre homme. C’est une forme de pression. Pour que ça se présente, il faut que ce soit quelque chose de sérieux. Avant que ça devienne sérieux, il faut voir la liberté que ce soit léger. Il n'y a pas de légèreté quand on est maman. C'est le plus compliqué. Comme ça implique les enfants, on s'impose quelque chose de plus grave. J’ai quatre jours dans le mois. Ça laisse peu de temps et il faut que je planifie. Il n'y a pas de spontanéité dans les rapports avec les gens. Tout est organisé. 

On se demande si c'est sexy d'être une maman de trois enfants. Des amis m’ont déjà dit : ‘Si je dois choisir entre une femme qui n'a pas d'enfant, une qui en a un, une qui en a deux et une qui en a trois, comme c'est ton cas, je vais en priorité vers celle qui n’en n'a pas. C'est beaucoup plus cool. On fait ce qu'on veut, on s'amuse quand on veut, on se voit tout le temps, on rigole. Après, j'irai vers celle qui en a un.’ Ça fait mal de l'entendre. La première fois que je l'ai entendu, ça m’a fait rudement mal, mais c'est très vrai."