Jessica a vécu un amour impossible avec Nonon, demandeur d'asile

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Nonon, sans-papiers, et Jessica ont vécu un amour impossible. Le couple s'est battu chaque jour pour éviter l'expulsion de Nonon, demandeur d'asile après avoir fui la guerre civile au Congo. Dans un épisode de "Dans les Yeux d'Olivier", le podcast adapté par Europe 1 Studio, Jessica et Nonon racontent leur histoire à Olivier Delacroix. 
TÉMOIGNAGE

>> Jessica et Nonon forment un couple mixte, soumis à rude épreuve, et souvent au bord de la rupture à cause de la situation de Nonon qui est demandeurs d'asile. Il a fui la guerre civile qui fait rage au pays de Kabila, en République démocratique du Congo. Là-bas, il est en danger de mort. Et pourtant, aux yeux de l'administration française, Nonon, sans-papiers, est expulsable à tout moment. Après un séjour en centre de rétention, le couple craint désormais le pire. Aujourd'hui, Nonon et Jessica vivent à Nancy. Olivier Delacroix, pour son podcast "Dans les Yeux d'Olivier", est parti à leur rencontre, quelques temps avant leur séparation.

Un coup de foudre lors d'un concert

Jessica : "On s'est rencontrés à Lyon, pendant un concert. C'était le concert de Shakira en novembre 2010."

Nonon : "Elle est à côté de moi. J'ai vu cette femme, qui me regardait, et directement... Il y a eu un coup de foudre."

Jessica : "Un vrai. Je ne lui ai pas dit tout de suite que j'avais eu un coup de foudre. J'ai de la fierté. Mon fils m'a demandé si c'était une star de cinéma, parce qu'il était habillé avec un costume blanc et un chapeau. Je lui ai répondu : 'Je ne sais pas mais en tout cas il est trop beau'." 

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"Un sans-papiers a aussi besoin d'amour"

Nonon : "A la sortie du concert, on s'est échangé nos numéros et on a commencé à s'appeler. Elle était célibataire et moi aussi. Mais j'avais peur de lui expliquer ma situation. Il y a d'autres femmes qui, dès qu'elles entendent ça, se barrent directement. Elles se disent : 'Peut-être qu'il m'aime par intérêt'. C'est une image qui colle aux jeunes hommes sans-papiers. Mais un sans-papiers a aussi besoin d'amour."

Jessica : "Je m'étais doutée qu'il était dans cette situation mais je n'osais pas lui demander. Et ça m'a donné la rage. Je lui ai dit que je n'avais peur de rien et qu'aujourd'hui, je m'en donnerais les moyens. Je suis capable de tout. Rien ne me fait peur. Et il les aura, ses papiers, et on concrétisera notre histoire. Cette situation a un impact sur notre quotidien. Cela crée des tensions. Si je pouvais l'enfermer dans un appartement et lui faire des bons petits plats, je le ferais. Mais en fait, le fait que sans arrêt, je sois en train de lui dire : 'Non, ne sort pas', 'Non fait attention', 'Non ne va pas avec tes copains'... ça l'étouffe. Je deviens étouffante et ça crée des conflits sans fin. Déjà, on n'est pas dans une situation simple. En plus, on est dans une situation conflictuelle. Il n'y a rien de simple."

Un contrôle routier le conduit en centre de rétention

À la suite d'un contrôle routier, Nonon est arrêté et envoyé en centre de détention avec la menace d'une expulsion immédiate.

Jessica : "Je ne savais même pas ce qu'était un centre de rétention. Je ne comprenais plus ce qu'il se passait. Je me suis dit : 'C'est un cauchemar. Il n'a rien fait de mal. Qu'est-ce qu'il se passe ?' Je ne m'étais pas intéressée à ce sujet-là. J'ai tendance à vivre dans un dessin animé où tout est beau. On m'appelle Jesse au pays des merveilles. Pour moi, ça ne pouvait pas arriver. Pas à lui, parce qu'il n'a jamais rien fait de mal. Il n'a pas de casier. On arrête les gens qui posent un souci en France, mais pas les gens qui veulent s'en sortir, qui sont là pour travailler, pour s'investir, pour s'intégrer.

Je suis allée le voir le jour-même. Et là, j'ai vite compris que c'était une prison parce qu'on m'a fouillé. Je lui avais apporté plein de choses. On m'a dit non à tout. Et on a eu 20 minutes pour se voir dans un parloir. Et là, j'ai compris que c'était grave. On se sent impuissant parce qu'on ne peut rien faire. La seule chance qu'on a eue, c'est d'être tombé sur une équipe de policiers très humains qui, au fil des jours, ont vite compris que Nonon était quelqu'un de bon, d'honnête et de simple. Il se démarquait parce qu'ils ont pris le temps de parler avec nous. C'est vrai que dans les centres de rétention, il n'y a pas forcément que des gens bien. Il y a aussi des gens très agressifs." 

Coupable d'aimer quelqu'un qui n'a pas de papiers

Nonon : "C'était terrible parce que c'était la première fois que j'étais emprisonné. Je me disais que ma vie était vraiment finie. Je me disais : 'J'ai des problèmes chez moi au Congo car je suis opposé au régime et en arrivant ici, je suis en prison'. J'ai déjà perdu un frère là-bas, au pays. 

Jessica : "Quand j'allais au centre de rétention, j'étais toujours maquillée, toujours souriante. Je suis capable de tout par amour. Après plusieurs lettres au juge et deux appels rejetés, je réussis à faire libérer Nonon pour vice de procédure. Je ne suis pas une association humanitaire. Je ne suis pas en train d'aider quelqu'un. Je suis en train de sauver mon amour. Je me suis sentie coupable d'aimer quelqu'un qui n'a pas de papier. C'est interdit en France. Mais l'amour n'a pas de couleur, n'a pas de prix... Aujourd'hui, on ne peut pas faire de projets, même avec la meilleure volonté du monde. Je deviens quoi, moi, si je fais 50 projets et que demain il est expulsé ? C'est impossible. Là-dessus, je me suis fait une raison. Je vis au jour le jour."

Après le tournage, Jessica et Nonon se sont finalement séparés.