Deux retraités jugés pour avoir accusé un prêtre de pédophilie

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"Les Martin ont été alertés par le récit de leurs petits enfants, âgés de 14 et 16 ans", a expliqué leur avocat au "Figaro". © AFP
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Margaux Lannuzel avec Alain Acco , modifié à
Un couple de septuagénaires comparaît mercredi après-midi pour dénonciation calomnieuse devant le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne.

De simples querelles autour de travaux d'entretien ont-elles poussé deux retraités à accuser un prêtre, à tort, de s'être livré à des actes pédophiles ? C'est la question sur laquelle se penche le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne, mercredi après-midi. Un couple de septuagénaires y comparaît pour "dénonciation calomnieuse" et encourt cinq ans de prison ainsi que 45.000 euros d'amende.

Un signalement adressé à de multiples destinataires. Les faits remontent au mois de mars 2018, sur la commune de Baye, dans la Marne, où se trouve l'un des 13 "Foyers de Charité" de France - des établissements proposant des retraites spirituelles.  Le couple de retraités, les Martin, adressent un premier mail à l'évêque de Châlons-en-Champagne, Mgr François Touvet, ainsi qu'au modérateur de l'oeuvre des "Foyers de Charité", selon la chronologie retracée par Franceinfo. Quelques jours plus tard, le même message est adressé à un panel de destinataires beaucoup plus large : le procureur de la République, la conférence des évêques de France, mais aussi diverses associations de lutte contre la pédophilie, parmi lesquelles "La Parole Libérée", créée dans le sillage de l'affaire Preynat.

Selon l'Express, l'objet du mail tient en un mot : "signalement". Celui-ci vise le prêtre François-Jérôme Leroy, qui dirige le "Foyer de Charité" de Baye. "Les Martin ont été alertés par le récit de leur petits enfants, âgés de 14 et 16 ans", raconte l'avocat du couple, Me Jean Chevais, auprès du Figaro. Quelques jours plus tôt, les adolescents, en vacances chez leurs grands-parents, ont été abordés par le curé qui les a pris en photo devant un tableau dans une chapelle, avant de proposer au plus jeune de repasser le lendemain pour réparer son vélo. "Mes clients ont pris peur, ayant entendu plein d'histoires sur ce prêtre. Ils ont décidé d'écrire à l'évêque, pour signaler les faits", poursuit Me Chevais.

Le prêtre "ne devra plus résider dans le diocèse". Le courrier, consulté par Franceinfo, évoque les deux mineurs abordés par le prêtre mais aussi "quatre famille de Baye dont les garçons ont subi des attouchements" et dont les Martin affirment avoir "entendu parler". Au sein du diocèse, les accusations sont prises au sérieux. Deux ans plus tôt, en juin 2016, le pape François a publié un décret intitulé "Comme une mère aimante" et prévoyant une procédure pour juger et démettre les évêques qui auraient "couvert" des prêtres auteurs d'abus sexuels. Dans un communiqué cité par BFMTV, l'évêque de Châlons-en-Champagne rend public le nom du prêtre et précise qu'il "ne devra plus résider dans le diocèse de Châlons, ni y exercer un quelconque ministère auprès de jeunes mineurs tant que la justice ne se sera pas prononcée."

Sur le plan judiciaire, une enquête pour agressions sexuelles est ouverte par le parquet de Dijon. Les gendarmes entendent des dizaines de personnes, sans parvenir à identifier la moindre victime. "Après de nombreuses auditions et investigations (l'enquête) n'a pas permis de retrouver le moindre élément venant confirmer les accusations portées à l'encontre de François-Jérôme Leroy", assure le procureur auprès de l'Union. "La seule présumée victime que les accusateurs avaient nommée a démenti avoir subi le moindre fait d'agression." La procédure est classée sans suite.

Ce que les six mois d'enquête ont révélé, en revanche, c'est que le couple de retraités se plaignait depuis longtemps du père Leroy, et de sa manière de gérer le domaine. Des lettres incendiaires ont été retrouvées dans les archives de l'église. Locataires d'une maison située sur le terrain du "Foyer de Charité" depuis quatre ans, les Martin avaient négocié un rabais sur le montant du loyer, en échange de petits travaux. "Du travail au noir", estime Jean-Louis Martin auprès de Franceinfo, balayant toutefois tout lien entre ce contentieux et les courriers de début 2018.