Denis Mukwege : "J’ai mis sur la balance ma vie et la vie de milliers de femmes mutilées"

Denis Mukwege 1:20
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Ugo Pascolo , modifié à
Invité vendredi de Nikos Aliagas, Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, dénonce la stratégie de certains groupes armés qui utilisent le viol comme une arme de guerre. 
INTERVIEW

Il est celui qui "répare les femmes". Le prix Nobel de la paix 2018 et gynécologue-obstétricien, Denis Mukwege, a soigné 50.000 femmes victimes de mutilations sexuelles dans son hôpital de Bukavu, à l'est de la République démocratique du Congo. A 63 ans, le médecin qui a déclaré la guerre contre l'indifférence aux violences sexuelles subies par les femmes pendant les conflits armés est l'invité vendredi de Nikos Aliagas, pour évoquer son dernier livre, Réparer les femmes, un combat contre la barbarie, aux éditions Mardaga. 

Le viol est une arme de guerre, qui plus est "efficace", selon Denis Mukwege. "Lorsque les femmes sont violées en présence de leur mari, leur enfant, leur communauté, c'est une humiliation, une déshumanisation qui traumatise. Elles le portent dans le corps, mais leur entourage aussi. Cela engendre une destruction du tissu social, et la communauté devient une proie facile", explique le prix Nobel de la paix 2018 au micro d'Europe 1. "C'est une procédure, c'est méthodique", ajoute-t-il. "Quand vous parlez avec les femmes, vous pouvez parfois identifier le groupe armé responsable, ce sont des signatures", détaille-t-il. 

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Lutter contre ces horreurs, Denis Mukwege a décidé d'y consacrer sa vie. Et après des milliers d'opérations et d'heures passées auprès des victimes, il se dit "surpris de les voir sourire à nouveau" : "Ce sont elles qui nous donnent le courage, la force de pouvoir continuer. [...] Je pense que leur amour dépasse tout ce que l'on peut imaginer. Ce sont des femmes qui se battent même pour les autres quand elles sont guéries".

"Vous pouvez parfois identifier le groupe armé responsable, ce sont des signatures"

Mais parfois, soigner physiquement ne suffit pas. Le docteur s'en est rendu compte et a donc introduit une prise en charge psychologique pour les victimes. "Quand vous faites ce traitement, les femmes deviennent les actrices du changement, pour elles-mêmes, mais aussi pour la communauté", rapporte-t-il. 

Quant a savoir si Denis Mukwege a déjà eu peur de "réparer les femmes" dans un pays en guerre, il avoue sans détour que "oui". "Je pense que la peur est normale pour tout être humain, j'avais même quitté mon pays", confie-t-il. "Mais j'ai mis sur la balance ma vie et la vie de milliers de femmes qui sont tuées et mutilées. Et la mienne ne pèse pas par rapport à celles qui souffrent dans ma région".