Déchéance de nationalité : la parole est aux binationaux

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De nombreux binationaux prennent la plume pour dénoncer (ou pas) la déchéance de nationalité telle qu'elle est prônée par le gouvernement. 

Les binationaux font front. Lancé pendant les vacances de Noël, le hashtag #JeSuisBinational fait toujours fureur en cette rentrée 2016. Le principe ? Dénoncer la proposition de l'exécutif, visant à inscrire dans la Constitution la possibilité de déchoir de leur nationalité française tous les binationaux auteurs d'actes terroristes. Sur la toile, les binationaux réagissent en masse, se sentant pour la plupart stigmatisés face à une mesure qu'ils jugent majoritairement inefficace. Quels sont leurs principaux arguments ? Morceaux choisis.

  • UNE ETIQUETTE DE PLUS

À l'instar d'une (grande) partie de la gauche, opposée à la mesure, les binationaux déplorent une mesure de stigmatisation. Certes, seuls les auteurs d'actes terroristes seraient concernés par l'extension de la déchéance de nationalité. Mais symboliquement, la mesure instaurerait une différence de traitement entre les binationaux et les nationaux tout court, qui ne seraient pas concernés, même s'ils s'avèrent être terroristes. "Avec cette proposition, on va créer un nouveau type de citoyen, celui à qui on fait moins confiance que les autres", dénonce ainsi Sevan, Franco-iranien, cité par Rue 89.

Ce dernier avait peu avant annoncé sur Twitter sa volonté de renouveler son passeport iranien, "quitte à être un citoyen de seconde zone". Sur le réseau social, d'ailleurs, les binationaux abondent en son sens. "#JeSuisBinational pas un terroriste, je ne me sens pas concerné. Mais ce symbole me gêne. Cette boîte de pandore ne doit pas être ouverte", assène @Wezet_John. "Je suis donc Français ... mais pas trop... Enfin pas complètement... Du bout des lèvres...", raille encore le journaliste Mohamed Mezerai.

  •  UNE ERREUR DE JUGEMENT

Un autre argument qui revient souvent sous la plume des binationaux, est celui de l'erreur de jugement. En clair, la France se trompe : la binationalité n'est pas une tare, mais une richesse. Elle devrait donc être plutôt encouragée que stigmatisée. Le premier à avoir enflammé le hashtag #JeSuisBinational avec cet argument est d'ailleurs Ali Badou, l'animateur de Canal+, qui twittait le 23 décembre : "J'ai toujours pensé qu'avoir deux nationalités était une richesse. Aujourd'hui je découvre que c'est un problème".

"Mon père m'a toujours dit: tu es 100% français, 100% algérien. Dois-je revoir ce "taux de nationalité" à la baisse?", s'inquiète encore le twittos Azzedine Ahmed Chao. "Je tiens à mes deux cultures et nationalités qui m'enrichissent et me donnent envie de découvrir d'autres cultures", poursuit @FrauB_GS. "Je déteste les passeports; ils ne devraient plus exister. Tous doivent avoir la chance que j'ai", renchérit @theochino, exhibant ses nombreux passeports sur Twitter :

  • UNE MESURE JUGÉE INEFFICACE

Rejoignant, là encore, les arguments des opposants politiques à la mesure, de nombreux binationaux dénoncent l'inefficacité de la déchéance de nationalité. Selon eux, elle n'arrêtera pas les terroristes. Et les renvoyer vers le pays de leur deuxième nationalité ne fera que déplacer le problème. "En fait, cette histoire de déchéance de nationalité revient à préférer que la menace vienne de l'étranger que de chez nous?!", dénonce sur Twitter le photographe David Guilbert, qui se présente binational. "Sinon, sérieusement, 'envoyer' des terroristes dans des pays qu'ils n'ont jamais connus ça sert à quoi?", poursuit la Franco-tunisienne Samia Hathroubi.

  • EUX, ILS SONT "POUR"

La grande majorité de ceux qui s'expriment à travers ce hashtag le font pour critiquer la mesure. Mais pas tous. @thomaslg87, franco-américain, se dit ainsi "binational et complètement derrière cette loi".

Le site du journal Le Monde, également, relate ce lundi des témoignages de (quelques) binationaux partisans de la mesure." Toute personne entrant en guerre contre la France n’a pas à être française puisqu’elle prend le parti d’une armée étrangère", estime ainsi Jean-Luc Poget, Franco-suisse. "La République ne doit pas prendre à sa charge des personnes qui ne respectent pas ses valeurs. Aucune aide sociale aux familles des déchus de la nationalité, aucun soutien, aucun droit ! La France est pour les Français de cœur, pas pour les Français de papier. Être français ça se mérite, ça se gagne, ce n’est pas acquis !", martèle également Georges, Franco-Mexicain.