Dans le Calvados, certaines interventions des pompiers deviendront payantes

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Margaux Baralon et Théo Maneval , modifié à
SERVICE PUBLIC - Le département a décidé de facturer les interventions dites "de confort" afin de faire des économies et soulager les équipes. Une décision controversée.

Les habitants du Calvados y ont peut-être vu un poisson d'avril, mais ce n'est pas une mauvaise blague. A partir de vendredi, certaines interventions des pompiers du département vont devenir payantes. Le 21 mars en effet, le conseil d'administration du Service départemental d'incendie et de secours (Sdis), à la tête duquel oeuvre le président (UDI) du département, Jean-Léonce Dupont, a décidé que certaines interventions du Sdis seraient désormais assorties d'une contribution forfaitaire.

Eviter les interventions "de confort". Certes, les déplacements des pompiers qui répondent bien à une situation d'urgence resteront gratuits. Mais désormais, il en coûtera 241 euros à une personne âgée tombée chez elle qui voudraient être relevée mais n'a pas besoin d'être conduite à l'hôpital. Même tarif pour une personne en état d'ébriété ou pour le transport d'un malade à domicile. Pour un déblocage d'ascenseur ou une "levée de doute alarme incendie", ce sera 463 euros. La direction du Sdis du Calvados espère ainsi éviter les déplacements injustifiés pour des interventions dites "de confort", qui pourraient être réalisées par des prestataires privés et représentent actuellement 10% des interventions des pompiers. Une façon de faire des économies et de soulager des équipes déjà très sollicitées

"Surpris et choqués". Mais la mesure fait grincer des dents. A commencer par celles des élus locaux de gauche, toutes tendances confondues. Le député PS Philippe Duron a ainsi dénoncé une "véritable atteinte au service public", organisée par la droite, qui a déjà "supprimé plusieurs dizaines de postes de sapeurs-pompiers en trois ou quatre mois". Du côté des pompiers eux-mêmes, la mesure passe difficilement. Les syndicats la jugent dangereuse et inefficace. "On a été extrêmement surpris et choqués", raconte le sergent-chef Gaëtan Lechevalier, représentant CGT. Le syndicaliste reconnaît volontiers des "abus", comme des appels pour "une chasse d'eau qui fuit et quelqu'un qui a oublié ses clefs". "Il serait logique de facturer ce genre d'intervention, mais elles vont rester gratuites. En revanche, une dame qui tombe de son lit et n'arrive pas à se relever n'appellera plus car cela va lui coûter 241 euros", déplore le sergent-chef. 

Dans le Grand direct de la santé, lundi, l'urgentiste Gérard Kierzek a déploré une "régression inquiétante". "Les gens vont s’auto-censurer et on va avoir des drames. On est dans un pays où on n’est plus capable de répondre aux urgences médicales", a-t-il jugé.

Restrictions budgétaires. Plutôt que d'essayer de faire baisser le nombre d'interventions pour soulager des équipes débordées, la CGT des pompiers du Calvados appelle sa direction à renoncer aux 35 suppressions de postes prévues cette année. En 2015, 30 postes avaient déjà été supprimés et l'une des casernes de la ville de Caen avait été fermée la nuit, ce qui avait provoqué la colère des pompiers caennais. De son côté, Jean-Léonce Dupont a réagi samedi sur son blog, notant que "cette facturation est parfaitement légale". "De nombreux Sdis la mettent en oeuvre partout en France. Ce n'est donc pas une exception calvadosienne", a t-il estimé. Selon le président du département, cette facturation obéit à des obligations de restrictions budgétaires, alors que les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales sont en baisse. Sans cette mesure, les habitants s'exposeraient à des hausses d'impôt pour compenser.