Comment le gilet pare-balles a été imaginé et amélioré avec le temps

Police/ gilet pare-balles
Les premiers à avoir imaginé les gilets pare-balles modernes sont les Coréens, au 19ème siècle (Illustration). © AFP
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David Castello-Lopes, édité par Manon Fossat
Le gilet pare-balles a déjà permis de sauver des milliers de vie, et ce depuis le 19ème siècle. Mais c'est dans les années soixante que ce vêtement a pris une autre envergure grâce au Kevlar, une fibre synthétique plus résistante que la soie initialement utilisée, comme le raconte David Castello-Lopes, lundi au micro d'Europe 1.

Les gilets pare-balles sont devenus aujourd'hui des éléments essentiels pour assurer la sécurité des forces de l'ordre ou même des chefs d'Etat. Mais comment ont-ils été inventés ? David Castello-Lopes remonte, dans l’émission Historiquement Vôtre, aux origines de ce vêtement capable de sauver des vies, grâce à l'utilisation de textiles bien particuliers. 

"Le gilet pare-balles, je dois avouer que pendant longtemps j’ai trouvé ça mystérieux. Je ne voyais pas vraiment comment un vêtement, même très solide, pouvait arrêter un projectile en métal allant à 1.500 kilomètres à l’heure.

Des armures en métal très lourdes

Mais alors d’où viennent ces gilets et surtout comment est-ce possible qu’ils arrêtent les balles ? Pendant des siècles, il y a pas mal de gens dans le monde qui ont essayé de fabriquer des armures capables d'arrêter les balles. Et au début, c’était des armures qui ressemblaient beaucoup à des armures de chevalier. Il y a d'ailleurs l'exemple très connu d’un bandit australien qui s’appelait Red Kelly et qui, avec son gang dans les années 1880, a fabriqué une armure en métal qu’il a utilisée avec un certain succès lors de ses rencontres avec la police. Mais le problème de ces armures était qu’elles pesaient très très lourd, à savoir 25 kilos, ce qui rendait les mouvements difficiles.

Or pouvoir bouger, quand on est en train de se faire tirer dessus, c’est aussi important que d’être protégé physiquement des balles qui vous sont adressées. Red Kelly et ses amis ont fait un erreur en pensant que le métal était la meilleure protection contre les balles. Pourquoi ? Pour le comprendre, il faut expliquer un tout petit peu ce qui fait la puissance d’une balle de revolver.

L'utilisation du coton par les Coréens

Une balle de revolver peut traverser les murs - et a fortiori la peau des gens - parce qu’elle concentre énormément d’énergie au niveau de sa pointe. Mais la plupart des balles ont une autre caractéristique : lorsqu’elle atteignent une surface, elles se déforment. Et lorsqu’elles se déforment, elles pénètrent moins facilement parce qu’elles sont plus larges.

Oui, si j’essaye de faire rentrer la pointe de ce stylo dans ma main, je vais très bien y arriver. En revanche, ce verre, qui est beaucoup plus large, je vais avoir du mal parce que la force que j’applique est diffusée sur une plus grande surface. C’est la même raison qui fait qu’on s’enfonce moins dans la neige avec des raquettes qu'avec des Stan Smith.

Donc si on arrive à ce que la balle se déforme avant de toucher la peau d’une personne, et bien l’énergie de la balle va pouvoir être plus facilement dissipée. Et les premiers à s'en être rendus compte, ce sont les Coréens, au milieu du 19ème siècle. Ils ont montré que quand on superposait dix couches de coton les unes sur les autres, on pouvait arrêter les balles de certaines armes à feu de l’époque parce que ces balles se déformaient avant de toucher la peau.

Quelques années plus tard, de façon indépendante, un chirurgien américain du Far West - qui s’appelait Georges Goodfellow -, a vu devant ses yeux un règlement de comptes au revolver entre deux joueurs, dont l'un a pris une balle dans le cœur. Et quand Georges s’est approché pour regarder la plaie, il a remarqué que le mouchoir en soie que la victime portait sur la poitrine n’avait pas été perforé par la balle. La balle avait juste poussé le mouchoir à l’intérieur du corps de la victime. C’est donc cette observation qui a amené petit à petit le développement des gilets pare-balles occidentaux, qui étaient tous en soie.

L'arrivée du Kevlar, plus résistant

Les gangsters de l’époque d’Al Capone, par exemple, portaient souvent des gilets pare-balles en soie. Les chefs d’Etat du monde entier en possédaient également, y compris l’archiduc François Ferdinand, assassiné lors de la Première Guerre mondiale, et qui malheureusement ne portait pas le sien le jour où on lui a tiré dessus. Même si fondamentalement, ça n'aurait servi à rien puisqu’on lui a tiré dans le cou.

Et puis dans les années soixante, on a inventé le Kevlar, qui est une fibre synthétique plus résistante que la soie, mais dont le pouvoir d’arrêter les balles fonctionne exactement sur le même principe. Mais le problème reste toujours le même à la guerre : il y a une bagarre entre la puissance de feu et la puissance de défense. Donc quand la puissance de défense augmente, ça incite à créer des armes qui puissent la surpasser.

Aujourd’hui, les gilets pare-balles de l’armée américaine par exemple, sont faits à la fois du Kevlar et de plaques de métal ou de céramique que l'on met à l’intérieur. Et ils permettent de sauver plein de vies, puisque depuis 1973, on estime que 3.000 policiers américains ont été sauvés par leur gilet."