Le projet de loi de renseignement voté en première lecture à l'Assemblée

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avec AFP , modifié à
L’assemblée nationale a adopté mardi, en première lecture, par 438 voix contre 86, le projet de loi qui vise à renforcer les pratiques des services du renseignement en leur donnant un cadre légal.

Le projet de loi qui vise à renforcer les pratiques des services du renseignement en leur donnant un cadre légal a été voté mardi en première lecture à l’Assemblée nationale. Il a recueilli une large majorité, puisque 438 députés se sont prononcés pour, 86 contre et 42 autres se sont abstenus. Le texte cristallise pourtant de vives critiques, à gauche comme à droite, et surtout auprès des défenseurs des libertés publiques. Le texte, devra encore être débattu au Sénat, fin mai. Europe 1 vous résume les principales mesures de ce texte qui définit les missions des services, le régime d'autorisation pour l'utilisation des techniques d'espionnage et leur contrôle.

LES MISSIONS

Pour la première fois, le législateur dresse une liste de motifs justifiant le recours aux "techniques spéciales" de recueil de renseignement. Les sept conditions requises pour engager une surveillance doivent viser à défendre :
 - L'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale
 - Les intérêts majeurs de la politique étrangère et la prévention de toute forme d'ingérence étrangère
 - Les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France
 - La prévention du terrorisme
 - La prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions des violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale ou de la reconstitution ou d'actions tendant au maintien de groupements dissous
 - La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées
 - La prévention de la prolifération des armes de destruction massive.

>> Des critères jugés trop flous par les opposants au projet de loi qui craignent un recours abusif à des moyens "de surveillance de masse" jugés liberticides.

LES TECHNIQUES AUTORISÉES

"Des interceptions de sécurité". Une fois ces critères formellement établis, les services pourront alors utiliser un ensemble de nouvelles techniques de recueil de renseignement. Ils pourront notamment recourir à des "interceptions de sécurité", qui pourront d’ailleurs aussi viser l'entourage de la personne ciblée. Ces méthodes d’interception portent sur les conversations téléphoniques ou les contenus de courriels.  Ils pourront aussi poser des micros, des caméras, des logiciels-espions, permettant notamment de savoir ce que la personne tape sur son clavier.

Ces renseignements collectés pourront être gardés 30 jours pour ceux issus des "interceptions de sécurité". Et 90 jours pour ceux obtenus par sonorisation, localisation et captation d'image. Les données de connexion informatiques pourront elles être gardées cinq ans.

Usage de l'Imsi-catcher, outil décrié. Autre méthode de recueil de renseignements : l'utilisation des "Imsi-catchers". Cet outil, en imitant le fonctionnement d'un relais de téléphonie mobile, intercepte dans un périmètre donné toutes les communications. Il suffira de savoir qu'une cible est dans un certain périmètre pour s'assurer que toutes ses communications soient interceptées à son insu, quelle que soit la ligne qu'elle utilise.

La commission des lois encadre son usage, en obligeant les agents à tracer exactement leur utilisation. Mais l'appareil espion ratisse large et peut capter tous les téléphones qui se trouvent dans son périmètre, pas seulement celui visé par l'enquête.

Des algorithmes pour une surveillance massive. Le projet de loi prévoit, par ailleurs, un dispositif d'analyse automatique des données - un algorithme - destiné, à "révéler une menace terroriste", par une suite de comportements sur Internet, comme des mots clés tapés et des sites consultés. Ces "boites noires", telles que les surnomment leurs opposants, seront installées chez les fournisseurs d'accès à internet pour surveiller le trafic grâce à la captation en temps réel des données de connexion. En cas de menace détectée, l'anonymat de ces métadonnées pourra être levé.

LES GARDE-FOUS

Une nouvelle autorité administrative indépendante. Une "Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement" composée de six parlementaires (trois députés et trois sénateurs), trois membres du Conseil d'État, trois magistrats de la Cour de cassation et un spécialiste des questions électroniques.

La Commission devra donner un avis préalable à chaque mise en œuvre de ces techniques de renseignement. Pour cela, elle disposera de 24 heures, ou de trois jours exceptionnellement, sauf dans des cas d'urgence. Les services du Premier ministre, qui délivrent les autorisations pour 4 mois renouvelables, pourront passer outre cet avis, mais en motivant leur décision.

Un statut de lanceur d’alerte. Un statut de lanceur d'alerte a par ailleurs été créé afin d'apporter une protection juridique à un agent souhaitant révéler des illégalités commises et qui devra contacter à cette fin la Commission.

Des professions protégées. Enfin, la mise en œuvre d'une technique de renseignement à l'égard de certaines professions protégées, comme les magistrats, les avocats, les journalistes et les parlementaires est soumise à des conditions plus strictes. Ils ne pourront pas faire l’objet d’une procédure d’urgence et il faudra une autorisation spécifique du Premier ministre, après avis de la Commission de contrôle pour les mettre sous surveillance.