Ce maire s'est endetté pour rouvrir un bar dans son village : "Quand il n'y a plus de commerce, il n'y a plus d'échanges"

Google Maps Quittebeuf
Le bar n'est resté ouvert qu'un an, mais le maire a bon espoir de le voir bientôt rouvrir. © Capture d'écran Google Maps
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Thibaud Le Meneec
Benoît Hennart a personnellement souscrit à un crédit de 200.000 euros sur 20 ans pour garder un commerce dans son petit village de l'Eure. Il raconte son initiative au micro d'Europe 1.
LE TOUR DE LA QUESTION

Son nom, c'est Au P'tit canon. Il n'est pas là depuis des décennies et ce mercredi, on n'a aucune chance d'y croiser quelques habitués sur les coups de midi. Aujourd'hui, le bar-épicerie est momentanément fermé, même si "quelqu'un est dessus pour le reprendre", confie-t-on. A priori, aucune raison de s'attarder sur ce bistrot, et pourtant : son propriétaire n'est autre que le maire du petit village de Quittebeuf, en plein cœur de l'Eure, qui l'a acheté pour ramener de la vie dans le bourg. 

Benoît Hennart est donc maire-propriétaire d'un bar à une quinzaine de kilomètres d'Evreux. Il raconte l'origine de ce rôle un peu particulier au micro d'Europe 1, dans Le Tour de la question : "En 2011, nous avons perdu notre boulangerie, notre bar et notre épicerie. On s'est retrouvés sans commerce. En 2014, la commune a fait le choix de racheter la licence IV (indispensable pour servir de l'alcool autre que de la bière et du vin, NDLR) pour la maintenir en vie, sinon elle était définitivement perdue. Mais ce n'est pas le tout d'avoir une licence IV, il faut qu'elle soit exploitée toute l'année."

"Tu n'as qu'à acheter"

"En 2014, j'ai dit à ma fille qu'il fallait mettre une annonce sur Le Bon coin pour chercher quelqu'un", poursuit-il. "J'ai eu la chance d'accueillir des gens intéressés pour ouvrir un bar", mais malheureusement, la commune n'a alors pas de bâtiment pour les accueillir. "Le seul endroit où on pouvait l'ouvrir, c'était à côté de la boulangerie. J'ai fait appel au propriétaire des murs pour savoir s'il était d'accord d'aménager les locaux à côté, qui ne servait à rien, pour accueillir un bar-épicerie. Il m'a dit : 'Non, je ne veux pas faire des travaux supplémentaires, tu n'as qu'à acheter et te débrouiller'", se rappelle le maire de Quittebeuf, 648 habitants, depuis 2008.

" Nous avons fait les travaux nous-mêmes, mon épouse, mes enfants, mes neveux, des copains… "

"Étant donné que la commune n'avait pas les moyens de financer un bâtiment et d'y faire des travaux, j'ai acheté les murs et fait un crédit de 200.000 euros sur 20 ans pour recréer un bar-épicerie. Nous avons fait les travaux nous-mêmes, mon épouse, mes enfants, mes neveux, des copains… On a remis tout ça en état", se souvient-il.

Un bourg réanimé

Au P'tit canon, donc, ouvre le 3 décembre 2017. Les clients ne manquent pas, le bourg est plus animé, mais l'expérience tourne court. "Ce sont des jeunes qui l'ont tenu, mais malheureusement, par manque d'expérience, ils ont tenu un an", constate Benoît Hennart. "Quand on tient un bar-épicerie, il ne faut pas avoir peur de faire des heures", dit-il, manière de prévenir le potentiel acquéreur de la nécessité d'être là une grande partie de la journée.

Et si le bistrot rouvre, il y aura désormais plus de commerces autour de lui. "Depuis 2011, j'ai fait revenir un kiné, des infirmières, une boulangerie, un médecin", se vante le maire-propriétaire. Dernièrement, c'est La Ferme des templiers, une boucherie-charcuterie, qui vient d'ouvrir dans le petit village. "Les commerces sont indispensables parce que c'est du lien social. Quand il n'y a plus de commerce, il n'y a plus d'échanges", conclut Benoît Hennart. Il en sait quelque chose.