"Beaucoup de professeurs des écoles n'aiment pas les mathématiques"

© DAMIEN MEYER / AFP
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A.H.
Alors que Cédric Villani vient de remettre son rapport pour un meilleur enseignement des mathématiques, le rôle que jouent les enseignants du primaire est remis en question.

Les mathématiques, cette discipline mal-aimée des élèves… et des enseignants ? Dans son rapport publié lundi, le député de La République en Marche et lauréat de la médaille Field (sorte de Prix Nobel de mathématiques), Cédric Villani propose 21 mesures pour nous réconcilier avec les maths. Parmi ces propositions, figure le renforcement du poids de cette matière dans la formation des professeurs des écoles.

Les maths, pas la discipline favorite des profs. Pour Martin Andler, professeur émérite en mathématiques à l'université de Versailles Saint-Quentin, et fondateur de l’association Animath, le désamour des élèves à l'égard des maths tient notamment au fait que les enseignants ne sont eux-mêmes pas friands de la matière. "Beaucoup de professeurs des écoles n'aiment pas beaucoup les mathématiques", assure-t-il lundi, invité d'Europe midi

"85% des professeurs des écoles viennent actuellement de formations littéraires, et beaucoup d’entre eux ont passé le Bac L, dans lequel on arrête pratiquement les mathématiques en Seconde. Quand ils commencent à préparer le concours de professeurs des écoles, c’est-à-dire en première année de Master, cela fait cinq ans qu’ils n’ont pas fait de mathématiques. Et très probablement, même s’il peut y avoir des exceptions, les mathématiques n’étaient pas leur discipline favorite", illustre Martin Andler.

Améliorer la formation initiale. En clair, "on a un problème de formation initiale, et de formation continue des enseignants", juge le professeur. Alors parmi les mesures préconisées dans le rapport,figure la construction, dès 2018, d'une formation initiale pour les professeurs des écoles démarrant après le Bac, sous la forme d'une licence ou d'un parcours pluridisciplinaire avec un volume d'enseignements dédié aux disciplines fondamentales. Il s'agit aussi de développer la formation continue en mathématiques des enseignants du primaire. "Nous devons multiplier par cinq le volume horaire consacré aux maths dans les formations initiales", détaillait Charles Torossian, inspecteur général de l'Education nationale et co-auteur du rapport, cité la semaine dernière dans le JDD.

Des profs qui "ne s'autorisent pas à innover". Le rapport préconise également la manipulation d'objets réels ou virtuels pour aider les jeunes élèves, de CP notamment, à appréhender l'abstraction mathématique. Des méthodes, telles que SLEC (savoir lire, écrire, compter) ou la méthode Singapour, existent et sont déjà utilisées par quelques enseignants. Mais faute d'une formation initiale satisfaisante à l'heure actuelle, "beaucoup d'entre eux ont peur, et ne s'autorisent pas à innover", déplore Martin Andler. L'enseignement des mathématiques doit être inscrit comme "priorité nationale", mobilisant ainsi tous les acteurs de la chaîne, des recteurs aux enseignants.