Attentats de janvier 2015 : Chloé Verlhac raconte le moment où elle a annoncé à ses enfants que Tignous était mort

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Europe 1 Studio , modifié à
Alors que s'ouvre le 2 septembre, le procès des attentats de janvier 2015, Chloé Verlhac, la veuve du caricaturiste Tignous, tué par un terroriste islamiste dans la rédaction de Charlie Hebdo, a choisi de se confier dans le podcast "Le Son de Vie". Elle raconte le bruit "effrayant" des sirènes quand elle arrive à deux pas des locaux de la rédaction, le silence de Luz et les mots de ses enfants, Sarah Lou et Solal, lorsqu'elle leur apprend la terrible nouvelle.
PODCAST

C'est une journée qu'elle ne pourra jamais oublier. Alors que débute demain le procès des attentats de janvier 2015, Chloé Verlhac, la veuve du caricaturiste Tignous exécuté par un terroriste islamiste dans les locaux de la rédaction de Charlie Hebdo, se souvient très précisément de la façon dont elle a appris la mort de son mari. "Le 7 janvier 2015, c’est un mercredi matin, c’est le premier jour des soldes et je pars chercher les enfants à l’école quand mon téléphone sonne. C’est le cousin de Tignous qui m’appelle pour me demander si j’ai des nouvelles parce qu’il vient de se produire une fusillade à Charlie. Je ne suis pas au courant", raconte-t-elle dans le deuxième épisode du "Son de Vie", le nouveau podcast d'Europe 1 Studio. 

 "Mon premier réflexe, c’est de lui dire que j'appelle Tignous et que je le rappelle ensuite. Alors j’essaye désespérément de téléphoner, d’avoir quelqu'un au téléphone mais personne ne répond. Et l’angoisse monte", explique-t-elle encore.

"Je veux savoir s’il est vivant ou blessé. Pas mort"

Alors accompagnée par une amie, la jeune femme fonce en direction des locaux de Charlie Hebdo à Paris. Le périmètre est totalement bouclé. C'est la confusion la plus totale. "Quand j’arrive sur le boulevard, il y a toutes les sirènes… C’est l’enfer ! Il y a les pompiers, le SAMU, la police… C’est effrayant ! Ça prend aux tripes.  En dehors de l’angoisse elle-même, on est en état de siège", poursuit-elle. Dans la panique, elle aborde un policier. Le premier qu'elle voit. Et se présente avec une phrase qu’elle répète comme une bouée de sauvetage : "Je lui demande si Tignous est vivant ou blessé. Et en y repensant après, je me dis qu’à aucun moment pour moi, à ce moment-là, il était mort. Je veux savoir s’il est vivant ou s'il est blessé".

Chloé Verlhac réussit finalement à rentrer dans le hall du théâtre Comédie Bastille. C'est ici qu'a été installée la cellule de crise. Elle demande des nouvelles mais personne ne lui répond. "Et il y a une infirmière qui se met à hurler. Elle hurle et elle dit : 'Je vous en supplie, répondez-lui, c’est insupportable !'. Et là tout le monde me regarde. Et je pose la question à nouveau : 'Il est mort, est-ce qu’il est mort, répondez-moi ?'. En fait personne ne répond, personne ne me répond", se rappelle-t-elle.

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"Après ce cri, je n'entends plus rien"

C'est là qu'elle croise le regard de Luz. Le caricaturiste n'était pas présent dans les locaux de Charlie Hebdo au moment de l'attaque. Il était en retard. Il est arrivé peu de temps après la tuerie mais lui sait qu’il n’y a plus d’espoir pour ceux qui étaient à l’intérieur. "Luz est en larmes, effondré...Il ne me dit rien, c’est bien ça le plus terrible. Il hoche la tête". Chloé Verlhac comprend alors que son compagnon est mort. Le choc est terrible : "Je me rappelle que je hurle parce qu’après ce cri, je n’entends plus rien. Comme dans les films après la détonation quand il y a une espèce de silence qui se fait et où on voit les gens s’agiter. Moi après avoir crié, je n’entends plus rien."

Chloé Verlhac se rend ensuite chez elle pour annoncer la mort de Tignous à ses enfants : "Sarah Lou avait 9 ans et demi le 7 janvier 2015. Quand je la vois, elle vient vers la porte alors que son petit frère non.  Elle ne me laisse pas parler et elle me dit : 'Je sais Maman. Je sais qu’il est mort. J’ai compris… et maintenant il faut que tu parles à Solal'".

"Ce que je veux lui faire comprendre, c’est le côté définitif "

Solal est un petit garçon. Il a 5 ans, 2 mois et 7 jours. "Je veux lui dire la vérité, je veux lui expliquer avec des mots d’enfant. Alors je lui dis que l’accident au travail de son Papa était très très grave et que Papa ne va pas se réveiller de l’accident et qu’il ne rentrera donc pas à la maison", explique-t-elle. "Et là Solal me regarde et me dit : 'Donc il est mort!?'. Moi je ne veux pas prononcer ces mots avec lui et je ne suis pas persuadée qu’à ce moment là, à 5 ans, il sache ce que c’est qu’être mort…Ce que je veux lui faire comprendre, c’est le côté définitif de ce que ça représente, à savoir que Papa ne rentrera pas, ne rentrera plus jamais". 

Mais Solal lui repose la question une deuxième fois. "Et donc je luis dis : 'oui, il est mort'. C’est la 2e fois de la journée que je prononce cette phrase. C’est difficile. Et là Solal me regarde et me dit : 'Bon et bah maintenant il va falloir que tu trouves un nouveau mari hein ! Mais un gentil !"