Alicia a été forcée à prendre des photos pornographiques : "J'avais tellement peur"

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Léa Beaudufe-Hamelin
Piégée par un homme sur Facebook qui prétendait avoir 28 ans et être photographe, Alicia a accepté de le rencontrer pour un shooting photo. L’homme l’a menacée et forcée à prendre des photos nue. Un an après les faits, Alicia raconte à Olivier Delacroix son agression et le traumatisme qu’elle en garde.
TÉMOIGNAGE

Il y a un an, Alicia a été approchée par un homme sur Facebook qui prétendait avoir 28 ans et lui proposait un shooting photo. Après avoir vu ses prétendues photos, Alicia a accepté de le rencontrer. Alors qu’elle ne l’avait pas invité, l’homme s’est présenté chez elle. La menaçant, il l’a forcée à prendre des photos à caractère pornographique et à lui faire une fellation. Après avoir longtemps gardé le silence, Alicia a accepté de porter plainte quand son père a découvert les photos. Aujourd’hui âgée de 18 ans et enceinte, Alicia raconte son traumatisme à Olivier Delacroix.

Alicia se souvient de sa première interaction avec le soi-disant photographe : "Il m'a dit : ‘Je m'appelle Jean-Marc, j'ai 28 ans. J'ai vu une photo sur ton profil. Pour me remettre à la photographie, j'aimerais t’offrir un shooting photo. Sur son profil, il y avait une photo d'un jeune qui paraissait avoir 25 ans, avec un gros appareil photo. Il ne paraissait pas méchant. Je lui ai demandé s'il avait un book-photo pour voir ce que ça pouvait donner. Je suis tombée sur le site d'une personne qui prenait des photos et qui s'appelait évidemment Jean-Marc. Ça donnait envie de faire des photos puisque qu'elles étaient magnifiques."

" Je m'attendais à un homme de 28 ans, alors que lui en faisait la cinquantaine "

Quelques temps après, Alicia a accepté de rencontrer Jean-Marc : "Personne ne savait que j’avais rendez-vous avec lui. Il devait m'attendre en bas de chez moi. Quelqu'un a toqué à la porte de chez moi, sans avoir sonné à l'interphone. Ça a été le choc quand j'ai ouvert la porte. J’étais face à un homme que je ne m'attendais pas à voir. Quand je lui ai demandé qui il était, il m'a répondu : ‘C'est moi, Jean-Marc, le photographe’. Ça a été la grosse surprise.

Je m'attendais à un homme de 28 ans, alors que lui en faisait la cinquantaine. Je me suis dit qu’il y avait un problème et j'ai voulu fermer la porte. Il m’a poussée et est entré chez moi. Il a fermé la porte et il a mis les clés je ne sais où. Je les ai seulement retrouvées quand il est parti. Il m'a dit que s’il avait avoué son vrai âge, il avait peur que je ne veuille pas faire de photos. J’ai accepté de les faire parce que j’étais en jean et en tee-shirt, mais ça a dégénéré. 

" J'avais l'impression d'être un chien "

Passé un moment, il m'a dit : ‘On arrête la plaisanterie. Maintenant, on va aller plus loin’. Il voulait des photos de moi dénudée. Quand je lui ai dit que je ne voulais pas, il m'a bien fait comprendre que je n'avais pas le choix, que ce n'était pas une question, mais une affirmation : ‘Tu vas te déshabiller, un point, c'est tout’. Il m'a montré une photo très hard d'une jeune fille et m'a dit : ‘Si tu ne fais pas ce que je te demande et si tu résistes, ce sera pire’. Il emploierait la manière forte. 

Face à cet homme qui faisait le double de mon gabarit et qui m'a parlé méchamment, j'avais l'impression d'être un chien : ‘Tu es ma soumise, je suis ton maître, tu dois m'écouter’. Je n'avais qu'une envie, c’était que ça se termine. J'ai crié, mais ça n'a rien changé. J'avais tellement peur qu’il emploie la force que je me suis exécutée. Je me suis dit que, de toute façon, il n’y avait aucune issue de secours. Il a commencé à prendre des photos à caractère pornographique. Il m'a forcée à lui faire une fellation. Il a pris d'autres photos où il présentait son sexe devant le mien. Ensuite, il a essayé d'abuser de moi. 

" J’avais l'impression que ça ne se terminerait jamais "

Je le repoussais, jusqu'au moment où j'ai vraiment pété les plombs. Je me suis lâchée. J'étais comme une madeleine. J'étais trempée de larmes. Apparemment, ça l'aurait dégoûté et lui aurait coupé son envie. Ça a duré une heure et demie, deux heures. Ça a été très long. J’avais l'impression que ça ne se terminerait jamais. En partant, il m'a menacée à nouveau. Il m'a dit de ne parler à personne de ce qu'il s'était passé. Il m’a dit : ‘Si j’apprends que tu en parles à qui que ce soit, je reviendrai et ce sera encore pire’. Il m’a dit qu’il garderait les photos pour lui."

Traumatisée, Alicia confie s’en être beaucoup voulu d’avoir accordé sa confiance à cet homme en acceptant ce shooting. Elle raconte les moments difficiles qui ont suivi son agression : "Je n'allais plus sur Facebook. J'avais peur qu'il soit connecté. J'ai eu des idées très noires. J'en ai gardé des marques sur mon bras. Je me disais : ‘T’es une pauvre conne. T’as été tellement naïve. D’habitude tu n'accordes pas ta confiance. Pourquoi tu l'as accordée ?’ Je m'en voulais beaucoup."

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La relation entre Alicia et son père, Christophe, s’est dégradée, jusqu’à ce que ce dernier découvre les photos. Il raconte : "Un jour, une personne m'a invité sur Facebook et m'a annoncé qu'elle connaissait ma fille parce qu'elle travaille dans un club d’Annecy. Elle m'a dit qu'elle avait des photos à me montrer de ma fille. Je pensais qu’elles avaient fait une soirée ensemble. Je m'attendais à des photos de jeunes qui s'amusent. Elle me les a envoyées et j'ai eu la surprise de ma vie. 

C’étaient des photos pornographiques. Outre voir les photos, ce qui m'a surtout fait mal, c'est de savoir qu’elles tournaient sur des sites libertins sur lesquels tout le monde peut se connecter. Je suis tombé des nues. Je restais bloqué sur les photos. Je voyais ma fille différemment. Ce n'était pas ma fille. Ce n'était pas la gamine qui était partie deux jours avant chez son copain. Ça n’avait rien à voir. J’étais loin de me douter de ce qu'il pouvait y avoir derrière."

" Ça a été tellement dur pour elle de me le dire "

Christophe a alors interrogé Alicia : "Je voulais une explication. Ma fille a commencé à pleurer. Elle m'a expliqué qu’elle avait fait la connaissance d'un homme sur Facebook, qui a profité de la situation et a raconté n'importe quoi. Il a menti sur son âge et sa profession. Ma fille était naïve et s’est fait avoir. Ça a été tellement dur pour elle de me le dire. Je pense qu'elle a voulu le garder pour elle pour se protéger, me protéger aussi et pour éviter de faire des histoires. Ça a dû être dur pour elle de le garder. 

J'ai dit à ma fille : ‘Tu vas avoir bientôt 18 ans, ce n'est pas à moi de te dire ce que tu dois faire. Je ne peux que te donner des conseils. Si tu veux déposer plainte, je serai toujours avec toi pour t'épauler. Si tu ne veux pas le faire, je ne vais pas t’y forcer.’" Finalement, Alicia a déposé plainte. Christophe remarque que sa fille a changé depuis : "Je pense qu’elle va être marquée pendant très longtemps. Depuis que l’homme a été interpellé et est passé au tribunal, je retrouve ma fille. Il y a eu un soulagement, une libération. Il y a un poids en moins."

" Quelqu'un qui agresse sexuellement et diffuse des photos n’est condamné qu’à six mois de prison avec sursis "

Alicia explique avoir été menacée par son agresseur après qu’elle a déposé plainte : "J'ai vu bien plus tard, que j'avais reçu des mails de menaces quand j'ai déposé plainte. J'ai reçu : ‘Je vois que tu te fous de moi. Si tu ne reprends pas contact, photos sur le net.’ Il signait ‘Ton maître’." La jeune fille raconte la confrontation avec son agresseur après qu’elle a déposé plainte : "J’ai été insultée de tous les noms. Tout était de ma faute. 

Il disait : ‘Je ne savais pas que je n'avais pas le droit de diffuser les photos, sachant qu'au départ, elle était d'accord pour que je fasse un shooting. Je me suis dit qu'elle serait d'accord pour que je les diffuse sur le net’. Je suis la coupable et il est la victime. Puisqu'il n'avait pas de casier judiciaire, il a été condamné à six mois de prison avec sursis, à 500 euros à verser à mon avocate, à 1.500 euros de dommages et intérêts et à une inscription au fichier qui concerne les agressions sexuelles. 

Ils n’ont reconnu que la diffusion des photos, parce qu’on ne voyait pas réellement l'agression sur les photos. Quand il m'a forcée à faire la fellation, il a été assez intelligent et a pris une photo où je suis proche de son sexe. Pour eux, la preuve n'a pas été établie qu’il y a eu pénétration. Je me suis dit que la justice était vraiment mal faite. Quelqu'un qui agresse sexuellement et diffuse des photos n’est condamné qu’à six mois de prison avec sursis. Il a osé faire appel. J'espère qu'en cour d'appel, ça va être mieux mieux jugé."

" On apprend à vivre avec, mais on n’oublie pas "

Alicia confie que son agression et le procès en appel ont eu un impact psychologique sur elle : "Avec la grossesse et le bébé qui va bientôt arriver, c’étaient des procédures trop longues. Je ne voulais pas requalifier les faits. J'avais envie que ça se termine. Depuis l’agression, je me suis renfermée sur moi-même. Je me méfie de tout le monde. Je pensais que ça passerait avec le temps, mais non. Je pense que ce sont des choses qu'on n'oublie pas. Je n'oublierai jamais ce qui m'est arrivé. Avec le temps, on apprend à vivre avec, mais on n’oublie pas."