Affaire des sœurs Papin : le mythe derrière l'horreur

Christine (à gauche) et Léa (à droite) Papin.
Christine (à gauche) et Léa (à droite) Papin.
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Guillaume Perrodeau , modifié à
Christophe Hondelatte revient mercredi sur le double meurtre commis par des sœurs domestiques, en 1933 au Mans.

C'est une des affaires criminelles les plus célèbres du 20e siècle. En 1933, deux sœurs domestiques chez des notables du Mans tuent leur maîtresse de maison et sa fille. Déclarées responsables, le mystère entourant leur acte n'a jamais vraiment été éclairci, comme le raconte Christophe Hondelatte mercredi.

 

>> De 14h à 15h, c’est Hondelatte raconte sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission de Christophe Hondelatte ici

L'horrible découverte. Le 2 février 1933, un notable du Mans, René Lancelin, ne parvient pas à rentrer chez lui. Pourtant, sa femme Léonie, leur fille Geneviève, et leurs deux domestiques, Christine et Léa Papin, devraient être présentes au domicile. Il se rend au commissariat, deux policiers le suivent jusqu'à chez lui pour éclaircir la situation. Les deux agents forcent la porte du vestibule. Personne au rez-de-chaussée, la maison est silencieuse. Les policiers montent à l'étage et tombent sur une scène d'horreur.

Sur le palier du premier étage, les deux policiers tombent nez-à-nez avec deux cadavres de femmes, gisant sur le sol. Elles ont été lacérées de coup de couteau, leur visage est écrasé mais on distingue bien qu'elles ont toutes les deux les yeux arrachés. Un des corps n'a plus de dents, arrachées elle aussi. Deux victimes ? Elles devaient être quatre dans la maison. Les agents fouillent les chambres, jusqu'à celle des domestiques, fermée à clé. On force la porte. À l'intérieur, Christine et Léa Papin sont vivantes, couchées dans le même lit. Non loin d'elles sur un tabouret, une bougie aux côtés d'un marteau dégoulinant de sang. La plus âgée, Christine, prend la parole. "Nous vous attendions", lance-t-elle. Elles ont tué madame Lancelin et sa fille, car leur maîtresse voulait leur donner une gifle.

Responsables de leur acte. Arrêtées toutes les deux, c'est Christine qui se lance dans le déroulement des faits. Elle et sa sœur n'ont pas pu repasser le linge comme il le fallait, en raison de coupures de courant. Quand Léonie Lancelin s'en est aperçue, elle a voulu les gifler. Alors Christine s'est jetée sur elle pour la devancer, lui a arraché les yeux. Ensuite est venu le tour de Geneviève. Léa confirme tout, mot pour mot, elle aussi a participé. Les sœurs Papin font preuve d'une extrême froideur lorsqu'elles racontent les faits. Pourtant, les experts psychiatriques sont formels : elles ne sont pas folles, mais pleinement saines d'esprit.

Pourquoi un tel massacre a-t-il eu lieu ? Comme la folie est écartée, on plonge dans le profil des deux sœurs Papin. Elles étaient des employées modèles, de l'aveu même de René Lancelin. Quant à la maîtresse de maison, Léonie Lancelin, elle n'avait rien d'une Thénardière. Elle accordait même deux heures de pause aux sœurs chaque après-midi, chose rare à l'époque. Cette absence de mobile manifeste a participé à la légende de ce fait divers, qui a traversé les décennies. Des psychologues se sont emparés de la question des années plus tard, soulevant la possibilité que les deux sœurs étaient prises dans une relation homosexuelle incestueuse, mais sans pouvoir le démontrer avec certitude. Un mystère pour toujours, donc.

Les sœurs évitent la guillotine. Le procès des sœurs Papin s'ouvre le 28 septembre 1933. Depuis le meurtre, Christine s'est finalement accusée des deux meurtres, minimisant l’implication de sa sœur, obligeant ainsi le juge a modifié les actes d'accusation. Après une journée de procès et 40 minutes de délibérations, le verdict tombe : la peine de mort pour Christine, les travaux forcés pendant 10 ans et l’interdiction de séjour pour Léa. Christine Papin sera finalement graciée, elle évite l’échafaud contre une perpétuité. Mais sombrant dans la folie et la dépression, elle meurt en mai 1937. Quant à Léa Papin, après ses années de travaux forcés, elle s'installe chez sa mère à Nantes. Elle y vivra jusqu'à sa mort, à l'âge de 89 ans, en 2001.