Vol AF-8969 : "On entendait passer les balles"

Le 24 décembre 1994, le vol AF-8969 a été pris pour cible par des membres du GIA.
Le 24 décembre 1994, le vol AF-8969 a été pris pour cible par des membres du GIA. © INA
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MD avec Pierre de Cossette , modifié à
TEMOIGNAGES - Deux passagers du vol Alger-Paris racontent la prise d’otages de Noël 94.

Dix-sept ans après, le traumatisme demeure pour Gilles et Yasmina. Tous deux se trouvaient à bord du vol AF-8969 pris pour cible par des membres du GIA, le 24 décembre 1994. Une prise d’otages de 54 heures, que retrace fidèlement le film de Julien Leclercq, L’assaut, qui sort en salle le 9 mars prochain. Europe 1 a rencontré deux des anciens otages du vol Alger-Paris.

"Il m’arrive encore de faire des cauchemars"

Malgré les années, ils ne parviennent toujours pas à oublier ce qui a été le premier acte terroriste sur le sol français. "J’ai mis sept ans à reprendre un avion", confie Gilles, chef de cabine à bord du vol d’Air France. "Il m’arrive encore de faire des cauchemars et d’hurler la nuit", poursuit-il.

Le samedi 24 décembre 1994, quatre hommes armés montent à bord de l’avion, à l’aéroport Boumedienne d'Alger, se faisant passer pour des policiers et prétextant un contrôle d'identité de voyageurs. "J’étais dans le cockpit et j’ai vu apparaître quelqu’un en uniforme avec un pistolet. Il est entré dans le cockpit à son tour et nous a dit : "police de gouvernement, on vient pour faire un contrôle de passeport, il y a un petit problème avec un passager". Connaissant un peu la situation à Alger à cette époque, "cela ne nous est pas apparu impossible", raconte Gilles.

"Il y en avait un, il avait le même âge que moi"

Mais la situation prend rapidement une autre tournure. "A un moment, un de ces hommes se met à crier : "nous sommes les moudjahidines du peuple". Là, on a tout de suite compris que le rideau venait de se fermer. C’était le début de la prise d’otage", se souvient le chef de cabine. Les quatre preneurs d’otages sont en fait membres du Groupe islamiste armée (GIA) et demandent la libération de deux islamistes.

Yasmina se rappelle parfaitement des quatre hommes. "Il y en avait un qui avait le même âge que moi. C’était un gamin", raconte la jeune femme. "Je n’oublierai pas son visage. On avait l’impression qu’il subissait, qu’il n’avait rien à faire là. Et puis, il y a avait aussi celui que j’appelais le tueur, lui, il avait le visage méchant", se souvient-elle.

"J’avais l’impression que ça allait être mon tour "

Pendant 54 heures, 227 passagers sont retenus à bord de l’appareil. Les preneurs d’otages, devant le refus de négocier des autorités algériennes, exécutent un premier passager, un policer algérien, et menacent d’en tuer d’autres si l’avion ne décolle pas. C’est ce qu’ils font quelques minutes plus tard en exécutant un diplomate vietnamien. "Vous savez 54 heures dans de telles conditions, c’était très pesant. A chaque instant ça pouvait dégénérer. A chaque fois que l’un des preneurs d’otages - celui que j’avais surnommé l’exécuteur - passait à côté de moi, j’avais l’impression qu’il allait m’attraper par la manche et que ça allait être mon tour ", confie Gilles.

"Quand vous êtes face à des hommes aussi déterminés, votre but, c’est de sauver votre peau" :

Le dimanche 25 décembre, Edouard Balladur, alors Premier ministre, négocie le décollage de l'avion contre la libération des femmes et des enfants. Le commando accepte et laisse partir 63 passagers. Mais cinq heures plus tard, l’avion n’a toujours pas décollé. Les quatre hommes exécutent un autre otage, un Français qui travaille à l'ambassade, tué d'une balle dans la tête. L’appareil finit par décoller, mais il n’a plus assez de kérosène pour voler jusqu’à Paris et se pose à l’aéroport Marignane de Marseille.

Le lendemain, le lundi 26 décembre, l’objectif des preneurs d'otages devient clair : ils veulent faire s'écraser l'appareil sur la Tour Eiffel. Le GIGN met alors en place un plan d'urgence. L'avion vient se positionner au pied de la tour de contrôle. Le commando récite la prière des morts et menace de faire sauter l'avion. Peu après 17 heures, les terroristes mitraillent la tour de contrôle.

Le capitaine Favier donne alors le signal. A 17h12 l’assaut est donné. Deux passerelles abordent l'appareil par l'arrière et une par la porte avant. Pendant que les passagers sont évacués par les portes arrière, une partie des hommes du GIGN lutte contre les terroristes retranchés dans le cockpit.

"On entendait passer les balles et les tirs ", raconte Yasmina :

Après 20 minutes d'assaut, le dernier terroriste est tué d'une balle dans le cœur :

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L'opération est un succès. Malgré la violence de la fusillade, moins de trente personnes sont blessées, dont un grièvement parmi les membres du GIGN. Les quatre preneurs d'otages sont tués. Dans la nuit, le GIGN et les ex-otages redécollent de l'aéroport de Marseille-Marignane et atterrissent à Orly à 2h15 du matin.