Violences sexuelles : le délai de prescription décalé ?

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et Eve Roger , modifié à

JUSTICE - Les sénateurs étudieront le 28 mai une proposition de loi qui vise à donner plus de temps aux victimes pour porter plainte.

Les enfants victimes de viols et de violences sexuelles n’osent souvent pas en parler avant de devenir adulte. Parfois, ils occultent même les faits au plus profond de leur mémoire et mettent des années à s'en souvenir. Mais pour la justice, ces années qui passent et rendent impossibles toute poursuite ont un nom : "la prescription". Afin de donner plus de chance aux victimes de poursuivre leur agresseur, deux sénatrices UDI, Muguette Dini et Chantal Jouanno, proposent de caler le délai de prescription, sur le modèle de ce qui se fait pour les abus de biens sociaux. Autrement dit : le délai de prescription commence à se décompter au moment où une plainte est déposée, et non pas au moment des faits ou en fonction d'un temps donné après la majorité. Les sénateurs se pencheront sur cette proposition de loi le 28 mai.

Qu’est-ce que la prescription ? La prescription est un principe de droit qui précise la durée au-delà de laquelle une action en justice, civile ou pénale, n'est plus recevable. Actuellement, cette durée est fixée à 20 ans après la majorité pour un enfant mineur qui dit avoir été violé. Il peut donc porter plainte jusqu’à ses 38 ans. La durée de prescription chute à 10 ans si cet enfant a été victime de violences sexuelles. Enfin, pour les majeurs, la prescription est de 10 ans pour un viol et de 3 ans pour des agressions sexuelles.

Un combat pour éviter une "double peine". "J’ai été violée à 17 mois par mon grand père, puis à 5 ans par le curé du village et par mon père de 8 à 12 ans", témoigne Ariane R., au micro d’Europe 1. Après ces agressions, elle a comme perdu la mémoire, repoussant ces terribles souvenirs au plus profond de sa mémoire. "J’ai su ce qu’il m’était arrivé seulement à 42 ans", précise-t-elle. Elle a porté plainte contre son père, les deux autres agresseurs étant morts depuis. Mais la justice va rejeter sa demande, à cause du délai de prescription. "Une double peine", pour la victime. Autre cas, celui de Cécile B., qui s'est souvenue à plus de 40 ans, avoir été violée. Elle a porté l’affaire devant la cour de Cassation, qui l’a rejetée. Elle poursuit actuellement son combat devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Une question de droit pointue. "La particularité des abus de biens sociaux réside dans le fait qu'ils sont, par essence, des infractions clandestines", explique Muguette Dini au micro d’Europe 1. D’où l’importance de commencer le délai de prescription au moment où l’affaire est révélée, donc où une plainte est déposée, sinon les procédures seraient extrêmement rare et l’impunité existerait. "Cette clandestinité se retrouve aussi dans les violences sexuelles qui, en raison de leur nature, du traumatisme qu'elles entraînent, peuvent faire l'objet d'une prise de conscience ou d'une révélation tardives", assure la sénatrice. D’où l’importance de calquer la prescription des violences sexuelles sur celle des abus de biens sociaux.

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