Un "préjudice d'anxiété" pour des profs

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Fabien Cazeaux avec C.C. et AFP , modifié à
ENQUETE - Les enseignants qui ont obtenu réparation, ont travaillé dans un climat d'insécurité.

C'est une première en France. Le tribunal administratif de Melun a reconnu jeudi un "préjudice d'anxiété" à des enseignants du lycée Adolphe Chérioux, à Vitry-sur-Seine. La raison ? L'Etat n'a pas assuré une protection suffisante au sein de l'établissement. Il s'agit d'une victoire judiciaire qui pourrait bien faire jurisprudence.

Retour sur les faits : le 2 février 2010, une bande parvient à s'introduire à l'intérieur du lycée, l'établissement ne possédant pas de barrière. Un élève est gazé et blessé à l'arme blanche et un coup de feu est entendu. Ces enseignants avaient donc cessé les cours le 3 février, en invoquant le "droit de retrait" qui permet à un fonctionnaire confronté à un danger "imminent" d'arrêter le travail sans s'exposer à des pénalités.

"S'attaquer à des élèves isolés"

manif chérioux 930

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"Dans une lettre adressée aux personnels du lycée le 1er février 2007, le recteur admettait que le lycée subissait de plus en plus les intrusions de bandes des cités du voisinage qui n'hésitaient plus à profiter des trois accès au site (...) pour s'attaquer à des élèves isolés et aux personnels s'interposant lorsqu'ils étaient témoins de ces agressions", souligne le juge.

"Nous enfermer dans nos salles de cours"

lycée chérioux 930

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Un audit scolaire diligenté par le recteur en 2007 a révélé un fort sentiment d'insécurité mais les mesures prises ne sont pas suffisantes. D'où le "préjudice d'anxiété" reconnu jeudi par la justice, qui correspond au fait de devoir travailler dans un climat d'insécurité permanente.

"Nous étions obligés de nous enfermer dans nos salles de cours. Nous étions confrontés à une violence possible qui pouvait nous tomber sur le coin de la figure sans qu'on comprenne ce que nous arrive", affirme Sabine, une professeure de lettres, interrogée par Europe 1.

"Le préjudice d'anxiété, ça veut dire qu'il y a la reconnaissance judiciaire. L'Etat a été en faute dans notre histoire. C'est quand même incroyable que dans ce pays, il faut en venir à une épreuve de force pour se faire entendre", déplore-t-elle.

Les chauffeurs de bus et les agents de Pôle Emploi

Cette décision judiciaire pourrait bien faire jurisprudence, selon son avocat Hervé Tourniquet, et concerner des employés tels que les chauffeurs de bus, les agents de Pôle Emploi ou tout autre fonctionnaire en contact direct avec le public.

"Ça peut concerner tous les guichets d'accueil, d'autres personnes qui travaillent en milieu ouvert ou qui sont susceptibles d'être exposées à des situations d'insécurité. L'Etat, en tant qu'employeur, doit la protection à ses agents. Ce n'est pas moi qui l'ai inventé, c'est le statut général de la Fonction publique", martèle Hervé Tourniquet.

Les enseignants du lycée Adolphe Chérioux ont obtenu 500 euros chacun, au titre de leur préjudice d'anxiété estimant, en conclusion, que "l'administration n'a pas mis en œuvre les mesures propres à assurer la protection des membres du corps enseignant exerçant dans ce lycée".