Serge Dassault : le récit de sa garde à vue

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avec Guillaume Biet , modifié à
EXCLU - Europe 1 a pu consulter en exclusivité les procès verbaux d'audition de Serge Dassault dans le cadre de l'enquête sur des achats de voix présumés.

PV.  "Je n'ai moi-même jamais été informé de ce qui m'était reproché". Par ces mots exprimés devant le Sénat, Serge Dassault est revenu lundi sur sa récente garde à vue intervenue mercredi dernier dans le cadre de l'enquête sur un système présumé d'achats de voix lors des municipales de Corbeil-Essonnes. Ce soir là, le Sénat examinait un projet de loi sur le droit à l'information dans le cadre des procédures pénales. Et le sénateur UMP a sauté l'occasion pour raconter sa récente expérience, tout en clamant son innocence. 

Serge Dassault : "Je suis le seul ici à avoir...par LeLab_E1

"Je suis le seul ici à avoir subi une garde à vue pendant deux jours", assure-t-il en préambule de son intervention. "Je peux vous donner quelques précisions sur la façon dont cela s'est passé", poursuit encore Serge Dassault. Ainsi, selon l'industriel, il n'a jamais été informé des raisons formelles de sa garde à vue. Par cette affirmation, Serge Dassault dit-il vrai ?

>> En exclusivité, Europe 1 a pu consulter les procès verbaux d'audition de Serge Dassault.  Que s'est-il dit vraiment lors de ces plus de quinze heures de garde à vue sur deux jours ?

Il a immédiatement connu le motif de sa garde à vue. Dès la première minute de garde à vue, Serge Dassault s'est vu notifier ses droits, comme le veut la procédure. Les enquêteurs lui ont bien dit qu'il était en garde à vue pour "achats de votes, abus de biens sociaux et financement illicite de campagne électorale", notamment. Ainsi au deuxième jour de sa garde à vue, Serge Dassault a formellement contesté ces motifs et refusé de signer le procès-verbal de notification.

Des regrets dès la première audition. Dès le début des interrogatoires, Serge Dassault fait part de ses regrets aux enquêteurs. "Je n'aurais jamais dû donner d'argent pour quelque projet que ce soit. (...) J'ai mis le doigt dans un engrenage que je n'aurais jamais dû approcher. J'ai été trop généreux", assure-t-il lors de sa première audition. Mais l'industriel se défend et assure en revanche qu' "en aucun cas ces actes de générosité étaient liés à des éventuels votes en ma faveur".

serge dassault

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Des versements pour "aider les jeunes" et non pour la campagne. Les enquêteurs lui soumettent alors ces listes retrouvées chez lui : 130 noms d'électeurs accolés à des sommes d'argent et la mention "payé". Des listings dont le quotidien Libération publie mercredi des extraits. Serge Dassault renvoie la responsabilité sur son ex-adjoint, Jacques Lebigre numéro 2 de l'UMP dans l'Essonne : c'est lui "prenait ce genre d'initiative, puis je le remboursais. (...) Quoi qu'il en soit, ces financements (NDLR : plusieurs centaines de milliers d'euros versés entre 2006 et 2010, selon éléments recueillis par les enquêteurs) étaient toujours liés à l'aide que je pouvais apporter aux jeunes pour qu'ils puissent travailler, et pas à la campagne électorale", précise Serge Dassault.

Distribuer de l'argent en période électorale ? "Ça ne se fait pas".  D'après un témoin entendu sur PV, Jacques Lebigre distribuait pourtant de l'argent liquide en pleine période électorale. Au point que les enfants du coin "courraient derrière (sa voiture) comme si c'était le marchand de glaces". Serge Dassault s'offusque : "Lui il faisait ça ? En période électorale ? C'est inimaginable. Si ça s'est fait, jamais je n'ai donné de directive en ce sens, ni cautionné ce genre d'agissement, ça ne se fait pas".

serge dassault

"Ce sont des salopards".  Autres témoignages, ceux de quatre jeunes, qui ont touché 197.000 euros, pour "avoir fait voter en faveur de la liste Dassault", disent-ils. Réponse de l'industriel : "Je leur ai donné de l'argent pour qu'ils travaillent et ils disent que c'est pour faire voter en faveur de notre liste. Ce sont des salopards." Et justement, en confrontation face à un autre accusateur, Mamadou Kébé, à qui il a versé 1 million 200.000 euros, Serge Dassault, s'emporte. Le milliardaire, 88 ans, tape du poing sur la table et clame : "Non, ça suffit, je n'ai jamais payé pour les élections !". 

Jacques Lebigre et Mamadou Kébé ont tous deux été mis en examen jeudi dernier par les juges instruisant le dossier. Pour sa part, Serge Dassault est ressorti libre et sans poursuite de son audition. Il doit désormais être convoqué ultérieurement par les magistrats en vue d'une possible mise en examen.

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