Rio-Paris : le rapport final du BEA dévoilé

© REUTERS
  • Copié
avec AFP , modifié à
L’enquête sur le crash du vol Rio-Paris pointe des défaillances à la fois techniques et humaines.

Trois ans après le crash du Rio-Paris, la lumière est en enfin faite sur les causes de l’accident survenu le 1 er juin 2009. Le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) a rendu jeudi son rapport final sur la catastrophe du vol Rio-Paris, qui a fait 228 morts le 1er juin 2009. Ce sont des défaillances techniques et des erreurs humaines qui ont conduit au crash du Rio-Paris d'Air France. Le BEA pointe en effet du doigt à la fois des défaillances résultant de l'ergonomie de l'avion (un Airbus A330) et des actions inappropriées des pilotes aux commandes soumis à un fort stress.

Toutefois, le BEA estime que le crash aurait "sans doute" pu arriver à d'autres équipages. "Si le BEA pensait que cet accident était dû uniquement à l'équipage, on n'aurait pas fait de recommandations sur les systèmes, sur la formation, etc. Ce qui veut dire que cet accident aurait sans doute pu arriver à d'autres équipages", a déclaré Jean-Paul Troadec, le directeur du BEA.

Une panne des sondes de mesure de vitesse... L'analyse des "boîtes noires" de l'Airbus 330 retrouvées au fond de l'Atlantique en mai 2011 a montré que l'accident était parti du givrage des sondes de mesure de vitesse "Pitot", fabriquées par Thales. Le rapport du BEA conclut que l'accident résulte notamment d'une "incohérence temporaire entre les vitesses mesurées, vraisemblablement à la suite de l'obstruction des sondes Pitot".

… Engendrant une défaillance du "fly director". "Il apparaît que les pilotes ont suivi une fausse information diffusée sur les écrans par le directeur de vol", a commenté Robert Soulas, président de l’Association "Entraide et Solidarité AF447" au micro d’Europe 1. Le directeur de vol, ou fly director, est une croix qui se déplace sur un écran et indique aux pilotes la position de l'avion. "Cette croix, d'après le BEA, s'est mise dans une position inadéquate", a expliqué Robert Soulas. "Ceci a incité les pilotes à réagir et à cabrer l'appareil alors qu'il était déjà très cabré".

Des lacunes des systèmes d'alarme. Les enquêteurs se sont par ailleurs efforcés d'expliquer pourquoi l'équipage n'a pas pris en compte l'alarme de décrochage ("stall") qui a retenti à de multiples reprises. Cela peut être "la conséquence de l'absence d'identification de l'alarme sonore, de l'apparition au début de l'événement d'alarmes furtives pouvant être considérées comme non pertinentes", conclut le BEA.

Des défaillances humaines. Les experts soulignent également un ensemble d'actions inappropriées sur les commandes déstabilisant la trajectoire. "L'équipage était dans un état de perte quasi totale de la situation", a précisant Alain Bouillard, directeur de l'enquête lors d'une conférence de presse. "Il ne faut pas négliger l'effet de surprise dû au fait du décrochage du pilote automatique et de la très forte charge émotionnelle qui a suivi. Il faut comprendre que pendant les quatre minutes, il y a eu énormément d'événements qui ont fait que les pilotes se raccrochent à ce qu'il font habituellement, lorsqu'on a perdu une certaine conscience de la situation, on se raccroche à des choses que l'on a l'habitude de suivre" commente-t-il au micro d'Europe 1.

De son côté, Air France a assuré que l'équipage du Rio-Paris était resté "engagé dans la conduite du vol jusqu'aux derniers instants". "Le rapport du BEA décrit un équipage qui agit en fonction des informations fournies par les instruments et systèmes de bord, et du comportement de l'avion tel qu'il était perceptible dans le cockpit", indique Air France dans un communiqué.

Des pilotes peu ou mal formés. L’enquête relève un défaut de consignes et de formation. Les équipages n'étaient en effet pas correctement formés pour répondre aux problèmes de givrage des sondes et d'anomalies de vitesse, ni entraînés pour un pilotage manuel en haute altitude. Par ailleurs, la procédure relative aux anomalies de vitesse n'était jamais appliquée et donc inconnue.

41 recommandations de sécurité. Pour éviter un nouveau drame, le BEA émet dans son rapport technique 41 recommandations de sécurité, dont 25 nouvelles par rapport à juillet 2011. Le BEA insiste notamment sur l'importance de "la formation et l'entraînement des pilotes pour qu'ils aient une meilleure connaissance des systèmes d'avion en cas de situation inhabituelle". "Huit recommandations concernent la formation des pilotes et cinq la certification des avions", a précisé le directeur du BEA, Jean-Paul Troadec.

Le transporteur aérien Airbus a promis jeudi qu'il prendra "toutes les mesures" nécessaires pour améliorer la sécurité aérienne, après la remise du rapport définitif du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) sur les causes du tragique accident du vol d'Air France Rio-Paris.

Mercredi, un autre rapport a été rendu public, celui des experts judiciaires qui sera présenté aux familles le 10 juillet. Une vingtaine de conclusions ont découlé de cette enquête de 356 pages demandée par la juge Sylvia Zimmermann. Sont notamment évoqués une perte de données due au givrage des sondes Pitot, une procédure inadaptée dans ce cas, mais également une absence de réaction appropriée de l'équipage ou encore un manque de suivi des incidents depuis 2004.