Prostitution : un texte vidé de sa substance au Sénat ?

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avec AFP , modifié à
Le texte de loi sur la prostitution est discuté lundi et mardi au Sénat. Les représentants de la haute chambre pourraient décider de supprimer la pénalisation des clients et de réinstaurer le délit de racolage.

Les prostituées coupables. Et les clients pas visés. C'est en substance la ligne que devrait adopter les sénateurs à la suite de l'examen lundi de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la prostitution. Un texte que le Sénat souhaite vider de sa substance, notamment en supprimant la pénalisation des clients et en réinstaurant le délit de racolage, abrogé dix ans après sa création par Nicolas Sarkozy. La version du texte de loi devrait donc être fortement remanié par rapport à la version initiale adoptée en décembre 2013 à l'Assemblée.

Ce qui risque d'être supprimé. Le texte initial envisageait de punir par une contravention de 1.500 euros toute personne ayant recours à une prostituée, en se basant sur l'exemple de la Suède, qui pénalise les clients depuis 1999. Depuis, le pays affirme avoir réduit la prostitution de rue de moitié. Les adversaires de cette mesure, comme les associations de prostituées, Médecins du Monde ou encore Act-Up, affirment qu'elle aura les mêmes conséquences que le délit de racolage : pousser les prostituées à plus de clandestinité et de précarité, en les mettant à la merci des rares clients.

A l'Assemblée, le sujet a divisé au sein même des groupes politiques. En commission du Sénat, les socialistes se sont finalement tous ralliés à la proposition, l'UMP s'y opposant, tout comme les écologistes. Le Sénat ayant basculé à droite en septembre 2014, la proposition sur la pénalisation des prostituées a donc de fortes chances d'être supprimée par les représentants de la haute chambre.

Ce qui risque d'être ajouté. Le délit de racolage, instauré en 2003 par Nicolas Sarkozy, pénalise le "fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération". Décrié par les associations de terrain, ce délit est accusé d'avoir davantage précarisé les prostituées, sans avoir montré son efficacité en terme de lutte contre les réseaux de traite. Mais la police défend un outil qui lui permet, via les gardes à vue et les auditions, de mieux connaître les personnes prostituées et l'activité des réseaux.

Les députés UMP se sont vivement opposés à l'abrogation du délit lors des débats à l'Assemblée, craignant un appel d'air pour la traite. Plus récemment, le tout nouveau président de la commission spéciale, le sénateur de Savoie Jean-Pierre Vial (UMP), a décidé de réintroduire le délit de racolage passif dans la proposition de loi, argumentant qu'il s'agissait aussi d'un moyen de défendre les prostituées. "Je suis atterrée. Ce serait un recul considérable résume la sénatrice. On se trompe de cible", tempête Michelle Meunier, rapporteure du texte.

Et après ? Le débat sur cette loi doit se tenir lundi. Le vote n'est donc pas arrêté. Et les députés n'ont pas dit leur dernier mot. Le texte doit en effet retourner à l'Assemblée nationale pour un nouvel examen. A cette occasion, les députés pourraient rétablir la version initiale, comprenant notamment la pénalisation des clients. Des modifications impliquant un énième bras de fer avec le Sénat.

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