Procès Sécher : l’enquête taillée en pièces

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avec Fabienne Le Moal et AFP
Accusation et défense ont critiqué l’enquête qui a abouti à la condamnation pour viol de Loïc Sécher.

En cour d’assises, une telle unanimité entre l’accusation et la défense est plutôt rare. Mais lundi, à l’occasion du premier jour du procès en révision de Loïc Sécher à Paris, condamné en 2003 pour viol alors que sa victime présumée s’est depuis rétractée, c’est d’une même voix que les deux parties ont parlé pour s’en prendre à l’enquête de gendarmerie qui a conduit en prison cet ancien ouvrier agricole.

 

"Scandale absolu"

 

L'avocat général, François-Louis Coste s'est ainsi dit "choqué" face à certaines lacunes de l'enquête : des témoins-clé des troubles psychiques de la jeune fille au sein de son collège, où elle faisait des malaises, ne mangeait plus rien, n'ont pas été entendus. De rares amies ont été entendues, ainsi qu'un seul garçon, alors que la Commission de révision, qui a annulé la condamnation en avril 2010, dira par la suite que l'adolescente avait subi "des humiliations, notamment de nature sexuelle, de la part de camarades du collège".

 

Me Eric Dupond-Moretti, l’un des deux défenseurs de Loïc Sécher, a de son côté crié au "scandale absolu" quant aux conditions dans lesquelles s'était déroulée la garde à vue de Loïc Sécher, "contraires au respect élémentaire des droits de la défense", a estimé le ténor du barreau, spécialisé dans les procès d’assise.

 

La cour d’assises a également entendu Loïc Sécher. "J'ai toujours clamé mon innocence", a rappelé l’accusé, aujourd’hui âgé de 50 ans. "Je vis cette nouvelle épreuve avec beaucoup d'émotion, surtout avec le rappel des faits", a-t-il ajouté, en évoquant la mémoire de son père, décédé en début d'année, qui avait pleuré lorsqu'il avait été condamné. Puis, évoquant le début des années 2000 : "j'ai ressenti de la fatigue, j'avais un problème d'identité sexuelle, j'avais de la peine à assumer mon homosexualité", a-t-il dit. "Dans un milieu rural ça ne passe pas toujours bien..."

 

"Nous sommes deux victimes"

 

Il a aussi indiqué avoir été dépressif, avoir trop bu, et fumé du cannabis. "Alcoolisé, dépressif, homosexuel, ayant fumé des joints" : autant d'éléments de nature à alimenter une machine à "forger une culpabilité", a embrayé Me Eric Dupond-Moretti.

 

A la sortie de l’audience, Loïs Sécher s’est dit "serein". "J’attends que la justice reconnaisse mon innocence", a-t-il assuré, avant d’avoir une pensée pour son accusatrice : "Je pense que nous sommes deux victimes. J’ai beaucoup de compassion pour elle, et j’espère qu’elle comme moi on pourra se reconstruire le plus vite après cette épreuve."

 

En matière criminelle, Loïc Sécher est seulement le septième condamné depuis 1945 à avoir obtenu une révision de son procès. Les six autres ont tous fini par arracher l'acquittement.