Outreau : trois victimes boycottent le futur procès

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avec AFP , modifié à
L'un des accusés d'Outreau va être jugé pour viols. Les victimes dénoncent "une mascarade".

"Je ne veux plus jouer le jeu de la justice". La phrase est signée Chérif Delay, l'un des douze enfants reconnus victimes dans l'affaire Outreau. Dans une interview au Parisien, les trois fils Delay, reconnus victimes de viols de la part de leurs parents, déclarent qu'ils refusent de participer au troisième procès d'Outreau, celui de Daniel Legrand fils. Le parquet général de Douai a en effet annoncé le 26 juin que cet accusé d'Outreau serait renvoyé devant les assises pour des viols présumés sur les quatre enfants du couple Delay-Badaoui. Des faits qu'il lui est reproché d'avoir commis alors qu'il était encore mineur et pour lesquels il n'a pas été jugé.

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"Manipulés par la justice". Mais pour Chérif, âgé aujourd'hui de 23 ans, Dimitri, 20 ans, et Jonathan, 19 ans, pas question de participer à cette "mascarade". Les trois frères Delay estiment en effet avoir été suffisamment "manipulés par la justice". Pour rappel, le dossier de pédophilie d'Outreau avait éclaté en février 2001 et défrayé la chronique, avant de virer au fiasco judiciaire, après deux procès aux assises en 2004 et 2005.

Treize des dix-sept accusés ont été acquittés, après parfois trois ans de détention provisoire. Sur les 18 personnes initialement mises en causes, le procès en appel de novembre 2005 avait abouti à la condamnation de quatre personnes - dont Miriam Badaoui, la mère des trois jeunes hommes, et leur père adoptif Thierry Delay ainsi qu'un couple de voisins. Douze enfants, dont les quatre frères Delay, avaient été reconnus victimes.

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"Tout ça ne sera qu’un cirque". "La justice nous a rendu coupable de notre propre vécu, alors que nous avons souffert les pires calvaires imaginables", commente Dimitri, avant d'ajouter : "Je ne veux plus avoir affaire à ces gens-là". De son côté, Chérif maintient, y compris dans >A lire - L'émouvant récit d'une victime d'Outreau" >un livre autobiographique publié en 2011, ses accusations initiales contre certains acquittés d'Outreau. Selon lui, les viols ont bien été commis par neuf personnes - alors que seulement quatre ont été condamnées.

"J’ai toujours dit que neuf personnes avaient participé. Certaines ont été acquittées. Je ne veux plus jouer ce jeu de la justice. Il est évident que Daniel Legrand sera acquitté lui aussi. C’est acquis. Au pire, il aura du sursis. Tout ça ne sera qu’un cirque au cours duquel on se fera à nouveau exploser psychologiquement. Même si les gendarmes viennent me chercher, je n’irai pas", prévient Chérif Delay.

"Je me sens toujours sale, sali". En 2011, ce dernier avait été condamné à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, pour "menaces de mort réitérées" à l'encontre d'un couple d'acquittés, les Lavier. Au delà de ces accusations controversées et démenties par les acquittés, les trois jeunes hommes laissent apparaître dans cet entretien toute leur souffrance et leur fragilité.

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Ils parlent d'une existence d'errance, pendant laquelle ils ont été longtemps séparés, de foyers en familles d'accueil puis souvent à la rue depuis leur majorité. Ils ne voient plus leur plus jeune frère Dylan, âgé de 16 ans et placé en foyer.  "Je me sens toujours sale, sali", avoue Chérif, "j'enchaîne les tentatives de suicide". Les trois frères refusent donc de participer au nouveau volet judiciaire de l’affaire Outreau, dont les traumatismes restent très prégnants, douze ans après.