Où en est l'affaire Bettencourt ?

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Aurélie Frex , modifié à
On croyait mère et fille réconciliées, mais le juge des tutelles est à nouveau saisi. Décryptage.

L’annonce de la réconciliation de Liliane Bettencourt et de sa fille Françoise avait fait grand bruit en décembre dernier. Après des années de brouille, mère et fille s’affichaient de nouveau ensemble, enterrant ainsi la hache de guerre, alors que Françoise Bettencourt-Meyers renonçait aux procédures pour abus de faiblesse sur sa mère. Pourtant, mercredi, la bataille judiciaire a repris, avec la saisie d’un juge des tutelles par la fille de l’héritière de L’Oréal, pour "mieux assurer la protection juridique de sa mère ". Europe1.fr fait le point sur l’affaire.

Pas encore de mise sous tutelle

Pourquoi Françoise Bettencourt-Meyers relance-t-elle la procédure ? La fille de Liliane Bettencourt s'est tournée mardi vers la juge des tutelles pour s'inquiéter de l'influence, qu'elle juge néfaste, de personnes dans l'entourage de sa mère. Et plus particulièrement celle de son avocat Me Pascal Wilhelm, selon une source proche du dossier. Ce proche de la milliardaire est chargé de l'exécution du mandat de protection future, et gérerait donc les intérêts de sa cliente en cas de placement sous tutelle.

Françoise Bettencourt-Meyers estime en effet qu'un "nouveau cordon sécuritaire" se reconstitue autour de sa mère, "au détriment de sa famille", "laissant craindre de nouvelles dérives contraires aux intérêts de Liliane Bettencourt", 17e fortune mondiale.

Mercredi, Liliane Bettencourt a révélé une partie de l'accord secret conclu en décembre avec sa fille, déclarant lui avoir versé 12 millions d'euros pour frais d'avocats dans le cadre des différentes procédures contre François-Marie Banier. Elle s'est également dite "ulcérée", dans une interview accordée au Point.fr, de la demande de mise sous tutelle. De son côté, Pascal Wilhelm s'est dit "extrêmement surpris" de découvrir cette action en justice, et a déposé une plainte déontologique devant le conseil de l'ordre contre les avocats de Françoise Bettencourt-Meyers.

Comment se porte l’héritière de L’Oréal ? Agée de 88 ans, elle n'apparaît généralement pas hors de sa chambre avant 10h30 ou 11h environ, après avoir reçu différents soins et traitements. D'autant qu'elle commence seulement à se relever d'une fêlure du col du fémur survenue en janvier, selon son entourage.

Liliane Bettencourt avait affirmé au juge ses problèmes médicaux, et avait fait connaître sa préférence pour une audition à son domicile de Neuilly. Elle a également souhaité disposer des facilités dont peuvent bénéficier les personnes malentendantes, notamment la faculté d'une audition par écrit.

Un mauvais état de santé confirmé par la juge des tutelles de Courbevoie, qui a jugé le 25 mars dernier que l’héritière de L’Oréal, malade, était "dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts", souffrant d’une "maladie cérébrale et d’une grande surdité".

Y’aura-t-il mise sous tutelle ? Si la juge des tutelles estime que "les facultés cognitives de Liliane Bettencourt sont nettement altérées par une maladie cérébrale", elle ne conclut pas encore à une mise sous protection qui peut prendre la forme d'un placement sous tutelle.

Une demande de suspension du clan Bettencourt

Pourquoi le juge veut-il entendre Liliane Bettencourt ?Le juge d’instruction bordelais Jean-Michel Gentil a utilisé les grands moyens mardi, se présentant à l'aube chez l'octogénaire encore couchée, avec des policiers et des médecins, pour vérifier son état de santé. S’il a agi ainsi, c’est parce que Liliane Bettencourt avait décliné deux convocations du juge récemment, qui voulait l’entendre comme témoin.

Une première fois, arguant d’une mauvaise chute, elle avait fait savoir qu'elle ne pouvait se rendre à une convocation le 26 mai. Le lendemain, le juge lui avait envoyé un huissier à son domicile, pour la convoquer le 6 juin. Il indiquait vouloir l'entendre dans le cadre de l'information qu'il mène contre X pour trafic d'influence commis par un particulier, trafic d'influence passif commis par une personne investie d'un mandat électif public, financement illicite de parti politique ou de campagne électorale, notamment.

Le dossier Bettencourt a été transféré en novembre de Nanterre à Bordeaux, avec la volonté de redonner de la sérénité à cette affaire. Les différents dossiers ont été scindés, et Jean-Michel Gentil, avec Cécile Ramonatxo et Valérie Noël, ont hérité fin 2010 des principales affaires, celles qui peuvent notamment concerner l'ancien ministre du Travail Eric Woerth.

La procédure peut-elle être annulée ? Liliane Bettencourt et sa fille sont désormais d'accord pour tenter de mettre fin aux enquêtes nées de leur querelle.

Les avocats de la milliardaire, Pascal Wilhelm et Bertrand Favreau, entendent d'abord remettre en cause l'utilisation d'enregistrements clandestins de conversations de la milliardaire. Les avocats mettent en cause la validité d'une preuve constituée dans le cadre d'une violation de la vie privée. Ils ont saisi la chambre de l'instruction d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur ce point. La chambre, si elle transmettait cette QPC à la Cour de Cassation, provoquerait une suspension du dossier pendant trois mois, le temps de statuer sur une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel.

Les avocats de la milliardaire devaient soulever en outre des demandes d'annulation portant sur les gardes à vue.

Les enregistrements seront-ils validés ? L’une des questions clés concernant l’affaire Bettencourt est la validation juridique ou non des enregistrements réalisés chez Liliane Bettencourt par son majordome, fin 2009 et début 2010, sur lesquels reposent la quasi-totalité des affaires mises au jour.

La chambre s'est réunie lundi pour examiner les arguments du parquet général, qui juge les enregistrements valables. En revanche, les avocats de Liliane Bettencourt et de sa fille Françoise, estiment au contraire qu'il faut annuler ces enregistrements, ce qui pourrait ruiner toute l'instruction.

La chambre donnera son opinion le 28 juin. Mais cette attente n'entame apparemment pas la volonté d'avancer des juges d'instruction.