Mères porteuses : la justice va enfin trancher

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Fabienne Cosnay , modifié à
DECRYPTAGE - Europe1.fr revient sur les enjeux du combat mené par le couple Mennesson.

La décision sera scrutée à la loupe. La Cour de cassation doit se prononcer mercredi sur l’une des questions de société les plus controversées en France, le débat sur la gestation pour autrui. La plus haute juridiction civile doit répondre à une question précise : les enfants nés de mères porteuses à l'étranger doivent-ils être inscrits sur les registres d'état civil français ? Une question technique mais qui pourrait donner un statut juridique à ces enfants nés de mères porteuses à l’étranger puis élevés en France.

Quels sont les enjeux de cette procédure judiciaire ? La loi posant comme principe l’interdiction de la gestation pour autrui peut-elle évoluer ? Eléments de réponse.

Un no man’s land juridique

L’histoire des Mennesson. Depuis dix ans, Sylvie et Dominique Mennesson se battent pour faire inscrire à l'état civil français leurs jumelles, nées en 2000 d'une mère porteuse. Conformément à la législation californienne, les époux Mennesson avaient été désignés comme les parents par les autorités américaines. Mais, à leur retour en France, la justice leur avait contesté ce droit.

Ce que dit la loi. La gestation pour autrui (GPA) est illégale depuis 1994 et la loi de bioéthique interdit d’en reconnaître les effets. En clair, des enfants nés de mère porteuse à l’étranger même dans un cadre légal (dans le cas Mennesson, la Californie) ne peuvent pas obtenir la nationalité française. "On traite ces enfants comme des clandestins et on leur fait porter une responsabilité qui n’est pas la leur", s’emporte le conseil des époux Mennesson, Me Nathalie Boudjerad. "Ces enfants n’ont pas d’existence légale, c’est inacceptable", ajoute Sylvie Mennesson, la mère des jumelles, fondatrice du Comité de soutien pour la Légalisation de la GPA et l'Aide à la Reproduction Assistée (C.L.A.R.A).

Six décisions de justice en dix ans. Depuis que la procédure judiciaire a été lancée par les Mennesson, les magistrats se renvoient la balle ou rendent des décisions mi-figue mi-raisin. Ainsi, en mars 2010, la cour d’appel a reconnu la filiation des jumelles avec leurs parents français, tout en refusant d'inscrire leurs actes de naissance à l'état civil. Un an plus tard, l’avocat général de la Cour de Cassation a encore proposé une autre lecture, en demandant à la Cour d’annuler la décision de la cour d’appel au nom de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et du droit à mener une vie familiale normale.

A la Cour de Cassation de trancher

Si elle suit le parquet, la décision de la Cour de Cassation fera jurisprudence et sortira de l'impasse juridique des enfants nés d'une gestation pour autrui pratiquée de manière légale à l'étranger. Selon les chiffres avancés par les associations, plusieurs centaines d’enfants seraient concernés.

Et après ?

Vers une évolution du droit français ? Une décision de la Cour de Cassation favorable à l’inscription des jumelles sur les registres d’état civil français pourrait inciter le législateur à modifier la loi de 1994 sur la bioéthique. "L’urgence, c’est de régulariser les enfants, qui sont nés de mères porteuses à l'étranger et qui, depuis 1994, ne bénéficient pas de la nationalité française", estime Sylvie Mennesson. Cette adaptation - minime - de la loi de bioéthique a d’ailleurs déjà été recommandée dans un rapport rédigé en juin 2008 par les sénateurs et par le Conseil d’Etat, chargé d’un avis sur le sujet à la demande de François Fillon.

Pour autant, l’autorisation, même contrôlée, du recours aux mères porteuses sur le sol français ne semble pas à l’ordre du jour. Pas plus tard que la semaine dernière, des amendements tendant à instaurer la gestation pour autrui ont été repoussés par les sénateurs, lors de l’examen de la loi de bioéthique.

L’opinion est-elle favorable ? Au fil des sondages, la légalisation des mères porteuses semble progresser dans l’opinion publique. Selon une étude réalisée par Ipsos en 2009, 65% des Français se déclaraient favorables à la gestation pour autrui. Dans ce même sondage, plus d’un Français sur deux affirmait qu’il aurait recours à une mère porteuse si cela devenait légal et qu’il ne pouvait avoir d’enfants.