Manif pour tous : Nicolas, "héros" malgré lui ?

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Condamné à deux mois de prison ferme en première instance, le jeune homme a été libéré en appel.

"Ne faites pas de lui un héros, encore moins un martyr ! Il ne mérite ni tant d’honneur ni, pour d’autres, tant de haine", ces mots sont signés des parents de Nicolas Bernard-Buss dans un appel au calme publié dans le quotidien catholique La Croix le 21 juin dernier. Ce jeune militant anti-mariage pour tous de 23 ans, était incarcéré depuis le 19 juin et sa condamnation en première instance, notamment pour "rébellion" lors de son interpellation en marge d'un rassemblement du mouvement. Mardi, il semble que la demande de ses parents ait trouvé un écho dans la salle d'audience de la cour d'appel de Paris. D'abord dans la décision de la cour qui a ramené la peine de l'opposant à une seule amende de 3.000 euros, dont 1.500 avec sursis, en abrogeant la peine de prison, sans pour autant le relaxer. Ensuite, dans l'attitude même de celui dont les "antis" avaient fait leur "prisonnier politique", peut-être malgré lui.

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"Je vais être assez complet sur ce point". Dans la salle d'audience de la cour d'appel mardi, on compte bien plus de journalistes que de sympathisants à la cause du jeune homme. Afin d'assurer la sérénité des débats, le collectif La Manif pour tous a demandé à ses ouailles  "de ne pas essayer de se rendre à l'audience". Sur le banc des prévenus, Nicolas, "le héros", entre sans flamboyance. Chemise blanche rentrée dans un jean tirant vers le gris, mèche sur le côté, il passe la tête par dessus la vitre de son box pour s'entretenir avec ses avocats. Puis le président de la Cour s'adresse à lui sur un ton laconique : "nom, prénom, date et lieux de naissance". Point. La réponse est plus disserte, teintée d'un brun d'ironie : "Bonjour, monsieur le président. Vous me demandez mon nom, mon prénom, ma date et mon lieux de naissance. Je vais  être assez complet sur ce point. Je m'appelle…".  Le ton est donné. Nicolas, tel un étudiant sur de son fait devant un conseil de discipline, n'en sortira pas, entrant systématiquement dans de longues argumentations pour contester les faits qui lui sont reprochés.  

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Nicolas Buss, Nicolas Bernard, Nicolas Bernard-Buss. Il faut dire que dans ce procès, le simple fait de demander au prévenu de décliner son identité revêt un caractère particulier. Parmi les chefs de condamnation de Nicolas figure notamment, à deux reprises, la "fourniture d'une identité imaginaire". Nicolas est interpellé une première fois le 26 mai dernier, sur les Champs-Élysées, lors d'un rassemblement d'opposants au mariage pour tous. "Un apéro festif" qui, non autorisé, tourne court. Nicolas, qualifie son interpellation de "capture arbitraire". Aux policiers qui perquisitionnent son véhicule, le jeune homme, démuni de pièce d'identité, selon le conseiller du président qui rapporte les faits, se présente sous le nom de Nicolas Bernard. Réponse de l'intéressé : "Je pense qu'il s'agit de moi mais cette prise d'identité me semble inexacte", lâche Nicolas. "Je répète, vous étiez démuni de pièce d'identité. En tout cas le véhicule a été loué sous le nom de Nicolas Buss", répond le conseiller, agacé. Son acte de naissance, lui, est catégorique : Nicolas Buss, du nom de son père.  Bernard est le nom de sa mère. 

Les policiers et Facebook. Pourquoi donne-t-il ensuite une date de naissance erronée lors de ce contrôle ? "Je n'ai jamais prononcé cette date. Ces informations ont été extraites par un officier de police judiciaire sur son propre smartphone, de Facebook. Cette date de naissance correspond à celle de ma page Facebook", assure l'étudiant. Réponse du conseiller : "donc vous dites que la police se sert de Facebook". "Je suis ravi que vous le découvriez", rétorque un Nicolas, versant dans l'insolence. Dans cette affaire, l'étudiant est condamné à de la prison avec sursis et 200 euros d'amende pour "non dispersion malgré sommation", "entrave à la circulation" et "fourniture d'identité imaginaire". Le procureur avait fait appel. Le dossier, joint à la seconde affaire, était donc également rejugé mardi.

"Pas la moindre once de rébellion". La deuxième condamnation de Nicolas tombe le 19 juin. Deux jours avant, il est interpellé aux abords des Champs-Élysées après une manifestation devant le siège de la chaîne M6 où François Hollande est invité.  Refusant de se plier à un contrôle d'identité, le jeune homme fuit les forces de l'ordre. Il est interpellé au premier étage d'une pizzeria, dans une volée de couverts et d'assiettes, au terme d'une course poursuite à pied avec les hommes de la Bac-nuit. L'étudiant refuse également de se livrer à un prélèvement de ses empreintes. L'interpellation est musclée, rapporte le conseiller. Pourquoi cette fuite ? Évoquant des "masses noires" de "policiers non reconnaissables", "en civil", à "la mine patibulaire" : "c'était ma dispersion, je voulais un boire un verre dans ce restaurant que je connais bien", assure-t-il. "Il n'y a pas eu la moindre once de rébellion. J'ai été bastonné. Je n'ai pas été interrogé sur mon identité, on m'appelait monsieur Buss directement", assure-t-il. Au vu de ses récents antécédents, il écope de deux mois ferme en comparution immédiate pour "rébellion" et "fourniture d'identité imaginaire".

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Nicolas de héros à victime. Demandant la relaxe, les avocats du jeune homme dénoncé le traitement qu'il lui a été infligé : d'abord "une garde à vue de 96 heures dans des conditions épouvantables, dans des cellules collectives", dénonce un des avocats de Nicolas, en décrivant les ébats de deux transexuels co-gardés à vue, "passant par 7 commissariats", poursuit-il en allant jusqu'à évoquer "des techniques de tortures". Viennent ensuite les "deux mois ferme  avec mandat de dépôt pour un étudiant au casier vierge et qui allait passer ses examens début juillet", dénonce Me Léon-Lef Forster, l'emblématique avocat de Charles Pasqua. Puis le passage par Fleury-Merogis. "Est-ce un terroriste dangereux ?", s'est à son tour offusqué Me Pierre-Philippe Boutron Marnion. "Il a été mis à l'isolement dans un quartier de sécurité à coté de la cellule de Redoine Faïd !", s'est ému l'avocat.

"Restaurer la confiance en la justice". Nicolas reprend la parole avant que la cour se retire pour délibérer. Il s'adresse aux magistrats dans une dernière tirade : "j'ai été bien élevé, avec un certain respect pour les forces de l'ordre et la justice. (il) s'est un peu assoupi. Aujourd'hui, vous avez l'occasion de restaurer la confiance en la justice," ose-t-il, prétendant parler pour des milliers de citoyens européens sensibles "à la question du droit de l'enfance, pour qui avoir un père un mère est élémentaire". Et pour conclure, Nicolas a tenu bon de rappeler aux magistrats que "19,6% de la consommation (la TVA) est prélevée pour votre rémunération". Mardi soir, Nicolas est libre mais toujours condamné.