Lieux secret défense : la loi censurée

Le Conseil constitutionnel a censuré les règles relatives aux lieux classifiés secret défense.
Le Conseil constitutionnel a censuré les règles relatives aux lieux classifiés secret défense. © MAXPPP
  • Copié
avec AFP , modifié à
Le Conseil constitutionnel avait été saisi par les familles de victimes de l'attentat de Karachi.

Le Conseil constitutionnel a tranché. Pour les Sages, un lieu ne peut être mis à l'abri des juges par le secret défense. Ces derniers ont ainsi censuré jeudi les règles relatives aux lieux classifiés secret défense, mais ont toutefois jugé conformes à la Constitution les dispositions encadrant la classification des documents. Le Conseil était saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par les familles de victimes de l'attentat de Karachi de mai 2002.

Les Sages ont relevé que la classification d'un lieu secret défense empêchait l'autorité judiciaire d'accéder à ce lieu et que l'accès à d'éventuelles preuves était inaccessible tant qu'une autorisation administrative ne lui avait pas été délivrée, ce qui est contraire à la Constitution.

Une vingtaine de lieux classés secret défense

Après demande de déclassification d'un lieu par un magistrat et avis du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), le ministère concerné est libre d'autoriser ou non une perquisition.

La loi du 29 juillet 2009 a étendu le secret défense, qui concernait auparavant des documents, aux locaux les abritant. Par un décret non publié au Journal officiel, Matignon a classé "secret défense" une vingtaine de lieux, notamment les services de renseignement et de contre-espionnage.

Le gouvernement a jusqu’au 1er décembre pour réagir

Le Conseil constitutionnel a fixé la déclaration d'inconstitutionnalité de cette disposition au 1er décembre, "afin de permettre au gouvernement de tirer les conséquences" de cette décision, selon un communiqué.

François Fillon a pour sa part pris "acte" jeudi soir de la décision du Conseil constitutionnel. Dans un communiqué diffusé par ses services, le Premier ministre  souligne que "le gouvernement veillera à ce que la suppression du régime spécifique des lieux classifiés secret défense" prévu dans la loi de juillet 2009 "n'affaiblisse pas l'efficacité des mesures de protection des intérêts fondamentaux de la nation".

"Une avancée très importante", pour les familles des victimes

Du côté des familles des victimes de l'attentat de Karachi, l'heure est au soulagement. "C'est une avancée très importante. Les familles de victimes se réjouissent que le Conseil constitutionnel ait jugé contraire à la Constitution un certain nombre de dispositions", a déclaré leur avocat, Me Olivier Morice.

Le Conseil a en revanche jugé conforme à la Constitution les dispositions concernant les documents classés secret défense, en particulier en raison des "garanties d'indépendance conférées" à la CCSDN et des conditions et procédures de déclassification des documents.

La justice s'intéresse à un circuit de corruption présumé

L'affaire Karachi inquiète une partie de la classe politique depuis plusieurs années. A l'origine, la justice française s'intéresse à un circuit de corruption présumé ayant accompagné la vente de sous-marins au Pakistan au milieu des années 1990. L’enquête cherche à déterminer si des rétrocommissions ont servi à financer en 1994-1995 la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, alors chef du gouvernement. Nicolas Sarkozy était un de ses ministres, et son porte-parole de campagne.

Selon une thèse développée par le rapport Nautlius, l'arrêt du versement des commissions consécutif à l'arrivée au pouvoir de Jacques Chirac, aurait provoqué en représailles l'attentat de Karachi, qui a causé la mort de 14 personnes, dont 11 employés français.