Les grèves qui dégénèrent amnistiées ?

Le Sénat
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Sophie Amsili avec AFP , modifié à
Le Sénat a adopté un projet de loi considéré par le Medef comme un "appel au cassage".

La proposition de loi. Au moment où les plans sociaux se multiplient et le chômage poursuit sa hausse, le Sénat a adopté mercredi une proposition de loi communiste d'amnistie des délits et sanctions pour des faits commis lors de mouvements sociaux. Le texte a été voté de justesse par 174 voix contre 171. Les groupes PS, CRC (communiste), EELV et RDSE (à majorité radicaux de gauche) ont voté pour tandis que l'UMP et l'UDI-UC (centriste) ont voté contre.

Jean-Luc Mélenchon 930x620

• Le Front de gauche mobilisé. Le Front de gauche (PCF et Parti de gauche), appuyé par la CGT, s'est fortement mobilisé pour ce texte, organisant notamment une manifestation devant le Sénat. Son responsable, Jean-Luc Mélenchon, a assisté au débat dans la tribune du public. "C'est un acte de justice, de réparation qui va être entendu par les salariés qui veulent faire valoir leur droit à l'expression syndicale sans avoir la peur au ventre", s'est félicité le sénateur et numéro un du PCF, Pierre Laurent.

Du côté du gouvernement, "il s'agit, ici, de faire oeuvre de justice", a déclaré la ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui a soutenu la proposition de loi tout en s'en remettant "à la sagesse du Sénat" pour son vote. La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, avait assuré que le gouvernement tenterait de trouver un "équilibre" entre "droit syndical" et "respect de la légalité républicaine". 

Laurence Parisot dépitée

© REUTERS/Charles Platiau

• Un "appel au cassage" pour le Medef. La présidente du Medef, Laurence Parisot, a de son côté vivement réagi après le vote du Sénat, qualifiant le texte d'"appel au cassage". "Ceci est extrêmement grave, très choquant", a-t-elle déclaré sur BFM TV. "Je ne comprends pas le signal que la majorité du Sénat veut donner ainsi à la fois au dialogue social, parce que c'est un signal en faveur de l'antagonisme, en faveur du conflit, c'est un appel à encourager la destruction et le cassage."

UMP et centristes se sont pour leur part vivement opposés à une "proposition inopportune, dangereuse" donnant un "signal de mauvais augure à tous les manifestants professionnels", selon François Zocchetto (UDI-UC). "Voulons-nous d'un pays où le militantisme syndical sème la pagaille, ou la terreur ?" s'est indigné Pierre Charon (UMP).

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• Un champ d'application très limité. La proposition de loi a toutefois été largement amendée par les socialistes qui en ont limité la portée. Sont amnistiées les infractions, commises entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013, passibles de cinq ans d'emprisonnement au plus. Le texte d'origine prévoyait l'amnistie pour les faits commis avant le 6 mai 2012 et concernait les infractions passibles de dix ans de prison. Sont concernés les faits commis à l'occasion de conflits du travail, d'activités syndicales de salariés et d'agents publics, y compris lors de manifestations. Le texte prévoyait une application élargie aux professions  libérales et exploitants agricoles. Sont également amnistiées les infractions commises lors de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux relatifs aux problèmes liés au logement. La proposition de loi d'origine parlait de problèmes liés non seulement au logement mais aussi à l'éducation, à la santé, à l'environnement et aux droits des migrants.

Le refus de se soumettre à des prélèvements ADN ne sera amnistié que si les faits à l'origine de ce prélèvement sont eux-même amnistiés. Un amendement PS a également exclu du bénéfice de la loi "les dégradations volontaires ayant pour conséquence de nuire au bon déroulement de travaux scientifiques ou de recherche". Selon la sénatrice EELV, Esther Benbassa, cette rédaction ne devrait pas concerner les faucheurs de champs OGM. Le texte prévoit aussi l'amnistie des mineurs condamnés lors des grèves de 1948 et de 1952. Il reste sept de ces mineurs survivants.

La PPL devrait être inscrite prochainement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans le cadre d'une niche (séance d'initiative parlementaire) réservée aux députés communistes.