Les Agnelet, une famille brisée

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Marie-Laure Combes, envoyée spéciale à Rennes , modifié à
A L’AUDIENCE - La cour d’assises a entendu les deux fils et l’ex-femme de Maurice Agnelet. Une famille brisée.

Le souffle coupé. C’est une famille brisée qui s’est retrouvée mercredi devant les assises d’Ille-et-Vilaine, à Rennes. Le père, Maurice Agnelet, est assis dans le box des accusés. Un de ses fils, Guillaume, le met en cause, assurant avoir reçu les confidences de ses deux parents sur la mort d’Agnès Le Roux en 1977. L’ex-femme et le second fils, Thomas, font bloc derrière le père. Tout cela se joue à quelques centimètres les uns des autres, laissant la cour le souffle coupé.

"Je suis sans voix". Entendue par visioconférence, à sa demande, Annie Litas est la première à prendre la parole mercredi matin. L'ex-femme, "conteste formellement" les propos que lui prête son fils. "Je trouve ça irréaliste et rocambolesque. Je n’ai jamais prononcé ces mots. Je me sens sans défense et sans voix. Je suis sa mère et je le resterai, quelles que soient les circonstances. Mais je suis démunie devant ce genre de déclarations", confie-t-elle.

Puis l’ex-femme de Maurice Agnelet, qui apparaît toute petite sur le grand écran qui projette son image derrière le président de la cour, décrit son fils Guillaume comme un enfant "en souffrance". "Je suis désolée d’avoir à dire ça, je ne voudrais rien dire de désobligeant. Il met tout le monde dans un même sac, son père, son frère, sa mère. Pour Guillaume, supprimer sa souffrance, c’est supprimer sa famille", explique-t-elle, la voix chevrotante. Maurice Agnelet a depuis longtemps arrêté de regarder l’écran de visioconférence. Il fixe le plafond, imperturbable.

"Je ne viens pas faire la guerre". Lorsqu’il entre dans la salle d’assises, Guillaume Agnelet a le visage fermé et ne jette pas un regard à son père, assis dans le box des accusés à quelques mètres de lui. Mais très vite, cette façade se fissure. Confronté aux propos de sa mère, Guillaume craque. "Je ne viens pas faire la guerre à mon frère ou à ma mère. Je viens ici pour retranscrire ce qui est là depuis pratiquement 30 ans, au plus près de mes souvenirs", dit-il, la voix entrecoupée de sanglots.

"Le dilemme qui était en moi était plus que cornélien. Je savais les conséquences que ça pouvait avoir. Ce dilemme ne s’est résolu que au pied du pied du pied du mur. Si je ne le faisais pas maintenant, je le regretterais", poursuit Guillaume, toujours aussi ému. "Quand j’entends les gens dire ‘je ne m’en souviens pas’, je les envie", dit encore le fils de l’accusé. "Ce qui tue plus que la vérité, c’est le secret. Moi j’ai passé plus de 30 ans de ma vie dans le secret".

"Des fraises Tagada porte-bonheur". L’évocation par Me Saint-Pierre, l’avocat de Maurice Agnelet, des souvenirs des précédents procès, refait jaillir les larmes du fils. A l'époque, Guillaume soutenait son père. "Vous vous souvenez des fraises Tagada que vous me donniez comme porte-bonheur ?", glisse l’avocat de l'accusé. Sur le banc des parties civiles, Jean-Charles Le Roux, le frère d'Agnès, sanglote dans ses mains.

"Pour moi, ça n'a pas existé". Malgré la demande des parties civiles d’éviter la confrontation entre les deux frères, le président fait ensuite appeler Thomas Agnelet. A quelques centimètres l’un de l’autre, Guillaume et Thomas ne se regardent pas. "Pour moi, c’est incroyable", lâche ce dernier, le plus jeune, celui qui défend toujours son père. "Je n’ai pas assisté à ce genre de conversation (à l’aéroport de Genève, où Guillaume assure avoir reçu les confidences de Maurice Agnelet, ndlr). Pour moi, ça n’a pas existé", assure-t-il.

Une pensée pour la famille Le Roux. Avant de se retirer, Guillaume conclut : "Ces informations, je n’ai jamais demandé à ce qu’elles arrivent à moi. Le fait de les retransmettre ici, c’est d’une importance certaine pour la famille Le Roux. Et j’espère qu’elles leur seront bénéfiques pour faire le deuil". L’audience est levée. Le public reprend son souffle.

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