Le contrôle d'identité réformé en débat

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Fabienne Cosnay , modifié à
ZOOM - Les policiers sont contre cette réforme. Ils y voient une critique de leur travail.

Jean-Marc Ayrault l'a confirmé vendredi matin. Malgré l'hostilité affichée par les syndicats de policiers, une réforme des procédures de contrôles d'identité aura lieu. S'inspirant du modèle britannique, le gouvernement prépare un texte qui permettra aux forces de l'ordre de délivrer un récépissé à chaque personne dont  l'identité est contrôlée. Europe1.fr fait le point sur cette future réforme, qui suscite déjà la polémique.

Comment ça marche ? Concrètement, chaque personne contrôlée se verrait remettre par le policier un récépissé qu’elle pourrait brandir en cas de nouveau contrôle. Par ailleurs, le nom et le matricule de l’agent concerné apparaîtrait sur le reçu, en cas de contestation. "Je pense que ça sera utile à tous. Aux personnes contrôlées, qui doivent être contrôlées mais pas trois, quatre fois, et aux policiers aussi parce que les policiers ont besoin de retrouver la confiance et le respect", a assuré le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, vendredi matin.

Quel est l'objectif affiché ? Cette mesure est présentée par le gouvernement comme une manière de lutter contre les contrôles au faciès, régulièrement dénoncées par les associations, comme Human Rights Watch (HRW) ou le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap). D'ailleurs, pour la première fois en France, une action civile collective pour discrimination a été lancée en justice, le 22 avril. 15 justiciables, soutenus par plusieurs associations, dont le collectif Stop le contrôle au faciès ont assigné le ministre de l'Intérieur et l'Etat pour discrimination.

Qu'en pensent les policiers ? Les principaux syndicats de policiers sont hostiles à cette réforme, voire y sont totalement opposés. "C'est une mesure de défiance et de suspicion vis-à vis des policiers", estime Patrice Ribeiro, secrétaire général de Synergie-Officiers, 2e syndicat d'officiers, interrogé sur Europe 1. "Le problème n'est pas tant le contrôle au faciès mais le lieu dans lequel vous vous trouvez. Lorsque vous êtes à la gare RER de Chatelet à Paris, vous avez plus de chances de vous faire contrôler que lorsque vous êtes en plein Loir-et-Cher", souligne t-il.

"On stigmatise la police comme étant une police raciste. C'est inacceptable", renchérit Jean-Claude Delage, le secrétaire général d'Alliance, 2e syndicat des gardiens de la paix. " L'annonce faite par le Premier ministre jette le discrédit sur l'honnêteté morale des policiers en laissant penser qu'ils font des contrôles en dehors de la loi", s'insurge le syndicaliste. Nicolas Comte, secrétaire général d'Unité SGP Police Force ouvrière, a un avis plus nuancé. "Je ne suis pas persuadé que ce soit le meilleur des dispositifs mais il faut mettre en place des tests", estime t-il au micro d'Europe 1. "Voyons ce qui peut fonctionner", tempère-t-il.

Quel est la part de réalité ?  La dernière étude sur le sujet remonte à 2009 et elle est assez édifiante. Intitulée "Police et minorité visibles : les contrôles d’identité à Paris" et menée par le CNRS, elle démontre deux choses : d'une part, les contrôles policiers visent 11 fois plus les jeunes. D'autre part, les personnes considérées comme noires ou arabes ont 6 à 8 fois plus de chances de se faire contrôler.

Cette mesure est-elle déjà appliquée à l'étranger ? Oui. Notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Outre-Manche, les associations affirment que les contrôles au faciès ont diminué de 30 % grâce au reçu qui accompagne tout "stop and search". Toutefois, la pratique des forces de l'ordre britanniques est aujourd’hui menacée. Le gouvernement a récemment restreint les conditions dans lesquelles les policiers sont obligés de remettre un reçu, au motif que cette pratique leur prenait trop de temps (Lire notre article sur le sujet).