La Réunion : mystère autour des requins

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avec AFP , modifié à
Les scientifiques cherchent à comprendre la recrudescence des attaques de squales sur l'île.

Pourquoi les attaques de requins ont-elles été si nombreuses à La Réunion ces dernières années ? Les squales sont-ils "installés" durablement près des plages de l'île ?

A cette double question, les scientifiques travaillant sur une vaste étude depuis fin 2011 ont pu répondre, le 3 juillet dernier, "mystère" et "non". "Mystère" car rien n'explique pourquoi l'animal est présent en si grand nombre en large. "Non" car les requins tueurs ne se sont pas sédentarisés à proximité des plages comme le craignaient les autorités de l'île, où est survenue lundi la mort dramatique d'un surfeur, dont la jambe a été arrachée par un squale aux Trois-Bassins, spot situé à l'ouest.

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2011, une annus horribilis

Cette étude, pilotée par l'Institut de recherche et de développement (IRD), et dont les résultats ont été diffusés au début du mois, avait été lancée en urgence en décembre dernier. En effet, alors que la décennie 2000 n'avait connu qu'une seule attaque mortelle dans les eaux réunionnaises, 2011 avait été une annus horribilis : deux surfeurs tués par des squales et un troisième amputé d'une jambe, dans des attaques concentrées à proximité des plages de Saint-Gilles.

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> 20 février 2011, un surfeur de 32 ans a la jambe arrachée

Après l'émoi suscité par la brutalité et l'ampleur de ces événements, une question s'est alors posée : et si ces requins avaient transformé les eaux de baignade les plus fréquentées de l'île en une zone de prédation ?

Un vaste dispositif de détection

Pour mieux cerner les facteurs favorisant la présence de l'animal, l'IRD a donc mis en place un vaste dispositif. Son but : capturer et marquer 80 requins et installer deux caméras sous marines et une cinquantaine de stations d'écoute permettant de tracer leur présence.

Depuis son lancement le 15 décembre, plus d'une vingtaine d'entre eux ont pu être marqués avec l'implantation sous la peau d'une sonde acoustique, détectable par 13 stations d'écoute disposées près de la côte de Saint-Gilles.

requin

Sur 22 requins marqués, les récepteurs ont détecté le passage de 13 d'entre eux dont 8 requins bouledogue - en cause dans la plupart des attaques - et seulement 5 requins tigre.  "Ils font de courtes excursions près des côtes et passent la majeure partie de leur temps au large", explique Antonin Blaison (IRD), un des deux responsables de l'étude.

Seule exception, la plage des Roches Noires - l'une des plus fréquentées - où les requins restent près d'une heure à environ 300 mètres du rivage avant de repartir. Les chercheurs veulent désormais savoir s'il existe au large, à environ 2 à 3 miles des côtes, une "zone de repos" où ils vivent et se reproduisent.

"Les requins ne sont pas prêts de disparaître"

D'ici la fin de l'année, les scientifiques vont aussi procéder à un "suivi actif" des squales pendant 4 à 5 jours grâce à un récepteur installé sur un bateau. Un suivi satellitaire est programmé pour l'an prochain.

Ces informations seront ensuite couplées avec les conditions du milieu (température, salinité, présence de cages aquacoles, pratique de surf) pour tenter d'expliquer leur présence et mettre en place un dispositif de sécurité adapté. Des mesures transitoires sont déjà opérationnelles (panneaux d'information, filets de protection, déploiement de 25 "vigies requins" recrutés par l'Etat, etc).

"On espère diminuer sensiblement les attaques mais on ne pourra pas les éliminer complètement. Les requins ont toujours existé à la Réunion et ne sont pas prêts de disparaître", a prévenu Thomas Campeaux, sous-préfet de Saint-Paul, coordonateur de l'opération. L'attaque de lundi vient de le démontrer tragiquement.