L’inquiétude des donneurs de sperme

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avec Anne Le Gall et Benjamin Peter , modifié à
Une réforme propose de lever l’anonymat pour les enfants nés de dons de gamètes. Un danger ?

Chaque année en France, près de 1.300 enfants naissent grâce à un don de gamètes, qu’il s’agisse de sperme ou d’ovocyte. Pour que ses enfants puissent un jour en savoir plus sur leurs racines, le conseil des ministres a rendu possible mercredi l'accès à l'identité d'un donneur de gamètes, avec le consentement du donneur, a indiqué Luc Chatel, porte-parole du gouvernement.

Cette décision constitue la mesure phare du projet de loi de révision des lois de bioéthique présenté par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot. Le projet, qui devra ensuite être validé par le Parlement, offre la possibilité d'un "accès à l'identité du donneur pour les personnes issues d'un don de gamètes", permettant "une meilleure prise en compte de l'intérêt de l'enfant". Il s'agit aussi de "responsabiliser le don, sans imposer au donneur de révéler son identité". Une décision qui inquiète certains donneurs.

"Je suis le géniteur, pas le père"

Pour Frédéric par exemple, qui a fait un don de sperme il y a deux ans, c’est "non. Pour moi, c’est bien clair : je suis le géniteur. Je ne suis pas du tout le père".

"Le père, c’est celui qui va élever l’enfant, qui va l’éduquer, qui va l’accompagner tout au long de sa vie", explique-t-il au micro d’Europe 1 :

Ce père de deux enfants a voulu "aider des couples". Mais il ne veut pas prendre le risque, au passage, de mettre en danger l’équilibre de sa propre famille. "On peut vivre comme ça [avec le don de sperme] tant qu’on n’a pas vu la personne. Quand on l’a vue, on ne peut plus faire comme avant", assure-t-il.

"J’ai donné mes ovocytes, comme j’aurai donné mon sang. Quand on donne son sang, on ne cherche pas à savoir où il va", compare Amélie, 37 ans, elle aussi opposée à dévoiler son identité.

"Une révélation traumatique"

La loi, si elle est adoptée, ne concernera que les enfants nés après la réforme. Mais elle pourrait constituer un frein aux futurs dons de gamètes.

Autre conséquence possible de cette réforme : le couple qui élève l’enfant pourrait être tenté de ne pas lui dire qu’il est né grâce à un don de gamètes, pour éviter qu’il se lance dans une recherche sur ses origines. "C’est la situation la pire, parce que ça va entraîner une révélation traumatique", à l’occasion d’un divorce par exemple, met en garde le Pr Louis Bujan, président de la Fédération des Centres d'études et de conservation des oeufs et du sperme.

Au final, entre 5 et 10% des enfants nés grâce à un don de gamètes sont demandeurs d’informations sur le donneur. Soit entre 50 et 130 personnes chaque année. Une minorité que la loi doit prendre en compte, se justifie le gouvernement.