L’hospitalisation sous contrainte fait débat

70.000 personnes sont concernées chaque année par l'hospitalisation sous contrainte
70.000 personnes sont concernées chaque année par l'hospitalisation sous contrainte © MAXPPP
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avec AFP , modifié à
Un projet de loi, contesté par les psychiatres, est examiné par les députés à partir de mardi.

Le texte est jugé trop "sécuritaire". Le projet de loi sur l'hospitalisation sous contrainte, initié par Nicolas Sarkozy fin 2008 après le meurtre d’un étudiant à Grenoble, commence sa navette au Parlement mardi.

Ce texte, intitulé "Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et modalités de leur prise en charge", vise à modifier la loi de 1990. Cette réforme a pour but de mettre en place "une meilleure prise en charge des malades", et à "assurer leur sécurité et celle des autres" ainsi qu'à "respecter leurs droits fondamentaux".

Si le projet de loi est adopté, des "soins" ambulatoires sans consentement seraient possibles alors que jusqu'à présent, seule une hospitalisation pouvait être décidée sous contrainte. Autre changement : l’admission en soins psychiatriques sans consentement sera possible si un "péril imminent" pour la santé du malade est constaté. Cette disposition permettra de répondre aux "problèmes pratiques posés par l’absence de tiers", expliquent les défenseurs du texte.

60.000 hospitalisations à la demande d'un tiers

Quelque 70.000 personnes sont concernées chaque année par cette question. L’hospitalisation sous contrainte peut faire suite à la demande d'un tiers (dit "HDT", 60.000 cas) mais peut aussi être décidée d'office en cas d'atteinte "à la sûreté des personnes" ou "à l'ordre public" (dit "HO", 10.000 cas).

Mais ce texte suscite les vives craintes du "Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire" qui regroupe soignants, intellectuels etc. Auteur d'une pétition qui a recueilli 10.000 signatures, ce collectif dénonce un projet de loi où "seul l'ordre public est pris en compte". Un argument auquel le rapporteur UMP Guy Lefrand rétorque qu’il est "ambitieux" et "protecteur des personnes".

Le texte supprime aussi les sorties d'essai et prévoit un dispositif renforcé pour les cas les plus sensibles (personnes déclarées irresponsables pénalement ou ayant séjourné dans une "unité pour malades difficiles"). Les syndicats de psychiatres craignent d'ailleurs l'instauration d'"un casier psychiatrique", ce dont se défend Guy Lefrand. "Aucun fichier" ni "casier spécifique" n'est créé, affirme-t-il.

"Une machinerie infernale" pour l'USM

Cette réforme a également pour objectif de mettre la loi en accord avec une décision récente du Conseil constitutionnel. Les Sages ont ainsi censuré un article du Code de la santé publique permettant le maintien de l'hospitalisation sans consentement à la demande d'un tiers, sans l'intervention d'un magistrat au-delà de 15 jours.

L'intervention du juge de la liberté et de la détention (JLD) est donc désormais prévue après ce délai, puis tous les six mois. Ce qui n'est d'ailleurs pas sans inquiéter les magistrats. Dans un communiqué commun, l'Union syndicale des magistrats (USM) et plusieurs syndicats de psychiatres (Intersyndicale des psychiatres publics, Union syndicale de la psychiatrie...) dénoncent "une machinerie infernale" et taxent le projet de loi de "rétrograde, injuste et inadapté".

Une manifestation est prévue mardi devant l'Assemblée nationale, à l'appel du "collectif des 39".