L'école de demain débattue à l'Assemblée

© BERTRAND BECHARD/MAXPPP
  • Copié
Sophie Amsili , modifié à
3'CHRONO - Le projet de loi arrive à l'Assemblée nationale. Le point sur les principales mesures.

Nouvelle étape. Le projet de loi "pour la refondation de l'école" est débattu à partir de lundi à l'Assemblée nationale. Porté par le ministre de l'Education nationale Vincent Peillon et issu d'une concertation menée de juillet à octobre, le texte a recueilli l'hostilité de plusieurs syndicats d'enseignants et de l'opposition.

Ces dernières semaines, les tensions se sont cristallisées la modification autour des rythmes scolaires qui prévoit le passage à la semaine de quatre jours et demi. Mais cette réforme relève d'un décret et est à peine évoquée dans le projet de loi au travers d'un fonds pour aider les communes. Quelles sont donc les principales mesures sur lesquelles les députés vont devoir trancher pour "refonder l'école" ?

>> Rythmes scolaires : que veulent les profs ?

• La formation des enseignants rétablie. L'année de stage des enseignants avait été supprimée en 2009, suscitant l'opposition de l'ensemble du monde enseignant. Le projet de loi de Vincent Peillon prévoit de rétablir cette formation initiale au sein d'écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) qui ouvriront à la rentrée 2013.

• Des postes supplémentaires. Comme François Hollande l'avait promis pendant sa campagne, 60.000 postes seront créés sur cinq ans, en plus du remplacement des départs en retraite. Parmi eux, 7.000 recrutements seront destinés aux zones défavorisées et 3.000 autres permettront de développer l'accueil des enfants de moins de trois ans en maternelle. 5.000 postes seront créés dans l'enseignement supérieur et 1.000 dans l'enseignement agricole.

école primaire

• Priorité au primaire. Le projet de loi vise à "rééquilibrer les moyens en faveur du primaire". Deux tiers des nouvelles embauches bénéficieront ainsi à l'école primaire avec pour objectif qu'il y ait plus de maîtres que de classes" dans les zones défavorisées, ce que salue le SNUipp-FSU, principal syndicat d'enseignants du primaire. Le contenu des cours évoluera également : l'apprentissage d'une langue étrangère devient obligatoire dès le CP.

Le SNUipp-FSU demande surtout plus de "lisibilité" avec "un agenda des priorités" sur lequel figurent notamment "la réhabilitation de la formation continue", "la révision des programmes du primaire" ou encore "la refonte des dispositifs d'évaluation des élèves".

L'accueil des moins de 3 ans relancé. La scolarisation des enfants âgés de moins de 3 ans est encouragée dans les secteurs d'éducation prioritaire, les secteurs ruraux isolés et les DOM-TOM, pour lutter contre l'échec scolaire. Les missions de la maternelle seront par ailleurs redéfinies pour la rentrée 2014. L'objectif est d'arrêter sa "primarisation", c'est-à-dire l'apprentissage anticipé d'enseignements de l'école élémentaire, qui accentue la pression sur les enfants en difficulté. Le SNUipp-FSU salue "le nouvel élan en faveur de la scolarisation des enfants de moins de trois ans", comme "une annonce qui va dans le bon sens."

• Une aide pour passer à 4 jours et demi. Un fonds de 250 millions d'euros est débloqué. Il doit aider les collectivités à prendre en charge les enfants pendant les heures réaménagées par le retour à la semaine de 4 jours et demi. Le gouvernement a laissé le choix aux municipalités d'appliquer la réforme à la rentrée 2013 ou à celle de 2014. Les syndicats d'enseignants et de nombreuses collectivités penchent pour un report à l'année prochaine, le temps d'élaborer une concertation.

>> LIRE AUSSI : Rythmes scolaires : des choix au cas par cas

Par ailleurs, au sein de la majorité, des voix s'élèvent sur "la question des moyens : pour la coprésidente du groupe écologiste à l'Assemblée, Barbara Pompili, le fonds de 250 millions y "répond à moitié" : "on devrait aller un peu plus loin sur les moyens, notamment sur la péréquation", a-t-elle estimé.

• Une "morale laïque". Des cours de morale laïque sont mis en place de la primaire au lycée. L'objectif est "de permettre à chaque élève de s'émanciper" en l'"arrach[ant] à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix". L'annonce d'un tel enseignement à la rentrée 2012 a aussitôt créé la polémique. "Comment un cours de morale laïque pourrait ne pas se transformer en une sorte de prêche, ne pas devenir dogmatique", s'est ainsi inquiété Simon Ruben, vice-président de l'association des professeurs de philosophie de l'enseignement public. "Mon rôle n'est pas de distinguer le bien et le mal. Le rôle d'un professeur c'est de donner à un élève l'accès au savoir." Cependant, selon un sondage Ifop-Ouest France réalisé en septembre, 91% des Français sont favorables à cette initiative.

>> LIRE AUSSI : La morale laïque, une matière inflammable

L'égalité des genres. La commission des Affaires culturelles a voté un amendement, vivement combattu par l'UMP, intégrant dans les missions de l'école primaire "les conditions à l'égalité de genre". Les socialistes le voient comme "une éducation à l'égalité entre les femmes et les hommes", mais Xavier Breton, député UMP de l'Ain estime que cela consiste à promouvoir "une idéologie", la théorie du genre.

• Utiliser davantage les technologies numériques. L'école se voit attribuer "une nouvelle mission : celle d'éduquer au numérique". Au-delà de l'équipement des écoles en matériel informatique, le projet de loi prévoit d'améliorer la formation des enseignants aux médias et de développer les outils pour communiquer avec les parents (via le site internet de l’établissement scolaire, un cahier de textes et un livret scolaire numériques, des informations sur les absences, une aide aux devoirs en ligne…)

23.04.Bandeau.education.ecole.460.140

Ce qui manque selon les profs : la réforme ne prévoit pas une amélioration des conditions de travail des enseignants ni une revalorisation de leur salaire, très attendues par la profession. "Il est temps d’assurer une amélioration des conditions de travail et de rémunération des personnels, de mettre un terme à la crise de recrutement, en rupture avec les politiques éducatives précédentes", estime la FSU, qui fédère des syndicats d'enseignants et des autres personnels de l'éducation, de la maternelle à l'enseignement supérieur dans un communiqué. Parmi les autres revendications de la FSU : une relance de l'éducation prioritaire et la fin du gel du point d'indice des fonctionnaires. De manière générale, les syndicats dénoncent du bricolage. "On veut un vrai changement pour l'école, pas juste le ravalement de façade proposé par Vincent Peillon", a déclaré Jérôme Lambert, secrétaire départemental du SNUipp-FSU à Paris.