L'acquittement requis pour Loïc Sécher

L’avocat général a évoqué, jeudi, "une erreur" que "la justice doit reconnaître".
L’avocat général a évoqué, jeudi, "une erreur" que "la justice doit reconnaître". © MAXPPP
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avec AFP , modifié à
L’avocat général a évoqué, jeudi, "une erreur" que "la justice doit reconnaître".

C’est une réquisition sans surprise. L'avocat général, François-Louis Coste, à la cour d'assises d'appel de Paris, en conclusion de son réquisitoire, a demandé l’acquittement de l’ouvrier agricole, Loïc Sécher, accusé de viol et condamné à trois reprises.

Réparer une erreur

Deux heures et demie plus tôt, en prenant la parole, il avait déclaré que "le bien de la justice, c'est (...) d'éviter l'erreur, et quand erreur il y a, le bien de la justice consiste à la reconnaître". "Il y va aussi du bien de celui qui a fait les frais de l'erreur, de celle qui culpabilise, de ses parents qui l'entourent...", avait poursuivi l’avocat général.

Loïc Sécher, 50 ans, avait été accusé de viols et d'agressions sexuelles fin 2000 par Emilie, une adolescente alors âgée de 14 ans, très fragile psychologiquement. Il avait été condamné en 2003 à 16 ans de réclusion, peine confirmée en appel l'année suivante et en cassation en 2005. En 2008, Emilie, devenue majeure, s'était rétractée, avouant qu'elle avait menti et que Loïc Sécher ne lui avait rien fait. Loïc Sécher avait obtenu la révision en 2010. Entre temps, il a passé plus de sept ans en prison.

Une machine judiciaire "extravagante"

Emilie, a rappelé François-Louis Coste, a dit que "Loïc Sécher (était) en prison à cause (d'elle)". "C'est aussi mon intime conviction", a constaté l'avocat général après avoir exposé "des erreurs, des approximations, éventuellement des négligences, qui ont pu nous conduire à l'erreur que nous devrons confesser".

L'avocat a déroulé le fil de l'affaire, décrivant comment une "parole extravagante" d'adolescente perturbée s'était muée en verdict, par le biais d'une "machine judiciaire" si puissamment lancée que la jeune fille ne s'était pas sentie la force de l'arrêter.

"Les médecins sont allés trop vite"

Ses comptes-rendus circonstanciés d'agressions attribuées à Loïc Sécher sont devenues "le récit indiscutable d'une vérité, car son discours était jugé crédible", par des expertises désormais considérées comme trop imprudentes. "Les médecins sont allés trop vite en besogne", a-t-il estimé.

Loïc Sécher de son côté, célibataire, homosexuel mal assumé, dépressif, buvant trop, qualifié de "bizarre" par nombre d'habitants de son village, avait été décrit par les experts psychiatres comme manipulateur et potentiellement dangereux. "Vous répondrez non à la culpabilité", avait auparavant dit à la cour l'avocate d'Emilie, Me Cécile de Oliveira, constatant qu'il y avait eu "un instant de grâce" à ce procès, lorsque Loïc Sécher et la jeune femme se sont parlé et "souhaité réciproquement de bonnes choses".

"La dictature de l'émotion"

Concluant la journée, Me Eric Dupond-Moretti, avocat de la défense, a jugé que ce "fiasco" était encore une fois dû "à ce qu'on appelle la dictature de l'émotion". "Cette affaire démontre à quel point il faut être prudent, à quel point l'ère victimaire qui nous est imposée n'est peut-être pas la bonne...", a ajouté le pénaliste. Regardant son client, il a évoqué sa "souffrance indicible" et l'a trouvé "admirable". "Il pourrait avoir (...) une haine viscérale. Or pas du tout, jamais il ne m'a dit "il faut faire une démarche de dénonciation calomnieuse", jamais. Je suis sidéré", a ajouté le pénaliste.

"Vous êtes un type bien, personne ne mérite ce qui vous est arrivé", lui a-t-il dit. Durant toutes ces années, le condamné, qui n'a jamais cessé de clamer son innocence, a toujours dit qu'il n'en voulait pas à Emilie, mais à l'institution judiciaire. En matière criminelle, Loïc Sécher est depuis 1945 le septième condamné à avoir obtenu une révision de son procès. Les six précédents avaient tous fini par arracher l'acquittement. La parole sera donnée vendredi matin une dernière fois à l'accusé. Les trois magistrats et 12 jurés se retireront alors pour délibérer, avant de rendre leur verdict.