Justice : à quoi ressemblera la "contrainte pénale" ?

La prochaine réforme pénale portera le nom de "projet de loi de lutte contre la récidive" et démontre que "ce gouvernement choisit de faire confiance aux juges", a indiqué vendredi Christiane Taubira.
La prochaine réforme pénale portera le nom de "projet de loi de lutte contre la récidive" et démontre que "ce gouvernement choisit de faire confiance aux juges", a indiqué vendredi Christiane Taubira. © REUTERS
  • Copié
avec agences , modifié à
François Hollande a confirmé la création d'une peine de probation.

L'arbitrage attendu vendredi est tombé. François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont tranché : la prochaine réforme pénale marquera la fin des peines plancher et verra la création d'une peine de probation, appelée "contrainte pénale". Ce dispositif, esquissé par la ministre de la Justice Christiane Taubira lors de l'université d'été du PS, a notamment pour objectif de lutter contre la récidive et la surpopulation carcérale. "La loi introduira pour certains délits une peine nouvelle, que nous appellerons la 'contrainte pénale', permettant le contrôle du condamné sans incarcération", a ainsi confirmé François Hollande dans son interview de rentrée accordée au Monde.

>>> L'éclairage d'Europe1.fr en cinq points :

1. Quels délits seront concernés ? Il sera question de délits passibles d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Il s'agira d'infractions spécifiques, hors récidive, comme la conduite en état d'ivresse sans violence directe, les coups et blessures de faible gravité sans circonstances aggravantes, les vols de petite valeur et l'usage de stupéfiants. Les autres délits concernés par les peines de probation doivent encore être précisés.

>> A lire aussi - Taubira vole la vedette à Valls

2. Comment vont s'articuler les peines de probation ? Cette peine, très répandue au Canada et en Suède, est "clairement distincte de la prison". Elle devrait regrouper "différents modes de réparation", comme la médiation, la réparation du préjudice, les travaux d'intérêt généraux, les rencontres entre les auteurs de l'infraction et les victimes". Pour Pierre-Victor Tournier, directeur de recherches au CNRS, la probation rassemble un "ensemble complexe de mesures qui va s'adapter à l'individu et à son parcours"

>> A lire aussi - Réforme pénale : c'est tranché.

3. Quels sont les objectifs ? Pour être efficaces, ces contraintes pénales devront être assorties de "mesures susceptibles de permettre à la personne de modifier le comportement à l'origine du délit". Sous-entendu : injonctions thérapeutique, stage de sensibilisation à la sécurité routière, stage de citoyenneté, etc. Les peines de probations devront également permettre "de travailler sur les facteurs de réinsertion". Les personnes condamnées devront ainsi s'inscrire dans une démarche d'accès au logement, de recherche d'emploi, de suivi de formation professionnelle, d'accès aux soins, entre autres.

En résumé, selon Christiane Taubira, ce projet permettra d'améliorer la réinsertion par la "construction avec le détenu d'un projet pour lui permettre de devenir à sa sortie un citoyen libre et responsable".

Pour Jean-Marc Ayrault, la réforme pénale doit mettre fin au laxisme :

4. Et si le condamné ne respecte pas ses obligations ? La réponse à cette question n'a encore été détaillée par le gouvernement. Mais plusieurs hypothèses semblent se détacher. La première possibilité stipule qu'une peine de prison est prévue d'emblée en cas de non respect et la mesure serait une sorte de sursis avec mise à l'épreuve (SME) à l'envers.

Autre possibilité, la violation des règles de probation elle-même devient un délit jugé au tribunal. Enfin, c'est le juge d'application des peines qui pourrait être chargé de réexaminer et éventuellement modifier les conditions de la probation, ou renvoyer le condamné devant le tribunal, solution qui a les faveurs de Thierry Sidaine, président de l'Association nationale des juges d'application des peines.

>> A lire - "La voie médiane entre Valls et Taubira est préférable"

5. La probation doit-elle remplacer d'autres peines ? La création de la peine de probation ne signe pas pour autant la fin des autres peines alternatives à l'emprisonnement (travaux d'intérêt général, placement sous surveillance électronique, suivi socio-judiciaire), rapporte Lemonde.fr.

La contrainte pénale ne devrait pas remplacer non plus le sursis avec mise à l'épreuve (SME). "Le SME est une mesure qui fonctionne, la peine de probation peut venir en plus. Il faut donner aux juges des outils larges pour individualiser les peines", plaide Thierry Sidaine. Mais pour Thierry Tournier, chercheur au CNRS la probation doit à terme remplacer "le SME et le sursis simple, ainsi que les travaux d'intérêt général en tant que peine principale". La réforme pénale, qui sera rebaptisée "loi de lutte contre la récidive", sera présentée en octobre devant en Conseil des ministres.